Profonia rapproche professionnels et patients

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Que fait un malentendant entre deux rendez-vous chez son audioprothésiste ? Difficile à dire. C’est à cette question que Profonia, nouvel acteur sur la scène de l’e-santé, propose de répondre. Cette application permet à l’audioprothésiste de rester en contact avec son patient tout en lui proposant un entraînement auditif. Explications.

Profonia rapproche professionnels et patients

C'était le petit nouveau du Congrès des audioprothésistes 2017. Profonia exposait pour la première fois cette année, et pour cause, la société a été créée il y a moins d’un an. Par ailleurs, elle investit un champ récent pour le domaine de l’audiologie, l’e-santé. Profonia présentait ainsi en avant-première sa nouvelle solution du même nom : une plate-forme destinée aux audioprothésistes afin de faciliter leurs relations avec les patients, ainsi que le suivi de l’appareillage, à distance. Si la création de Profonia est récente, cette société est en fait l’une des filiales d’eRocca qui, elle, jouit d’une expérience bien plus importante dans les domaines médical et numérique. La société eRocca, basée en Isère, a en effet vu le jour en 2003. Fondée par Fabrice Francioli, elle s’est spécialisée dans les communications alternatives appliquées à la télémédecine, et dans la synthèse vocale. « L’idée de s’orienter vers l’audiologie vient d’une collaboration avec un industriel qui s’intéresse aux sourds profonds, explique Pierre-Olivier Goineau, directeur général de Profonia. C’est par ce biais que nous avons découvert les problématiques de surdité et en particulier les problématiques métier. De proche en proche, nous nous sommes rendu compte que notre plate-forme de télémédecine pouvait connaître un développement utile aux audioprothésistes. » Le projet mûrit, et Fabrice Francioli y apporte sa vision stratégique. L’audioprothésiste Lucas Pignard (promotion lyonnaise 2014), qui a complété sa formation avec un diplôme d’ingénieur, a pour responsabilité d’affiner le projet, mais également d’affiner l’approche métier de la plate-forme et de modéliser le protocole des audioprothésistes. L’utilité d’une telle plate-forme repose sur le constat clairement énoncé par Yves Boissel, business developer chez Profonia : « Entre deux rendez-vous, l’audioprothésiste est en aveugle. Il y a beaucoup à faire pour rapprocher l’audioprothésiste de son patient. » L’idée est donc que le patient puisse transmettre des informations relatives à son temps de ports, à son ressenti, etc. « La philosophie de Profonia, c’est d’être au service de l’audioprothésiste dans sa relation actuelle avec le patient, mais aussi dans sa relation future, ainsi que dans sa relation avec tout l’écosystème du parcours du soin, ce qui inclut aussi le médecin ORL, résume Pierre-Olivier Goineau. Et ce, grâce aux outils numériques. On ne va pas faire gagner du temps à l’audioprothésiste, mais le temps passé avec le patient va changer de nature et cela va générer de la satisfaction. C’est notre plus belle promesse ! »

Un million d’euros levés

Afin de poursuivre son ambition, eRocca décide donc de réaliser une levée de fonds, à laquelle répond le fonds d’investissement Sofimac, en investissant un million d’euros. Profonia est alors créée et une dizaine de personnes, essentiellement des développeurs, rejoignent la filiale. Sur le marché de l’audioprothèse, Profonia n’a pour l’instant pas de concurrent. Telecare, développé par Signia, affiche sensiblement les mêmes objectifs, mais ne concerne que les personnes équipées des aides auditives de la marque du Groupe Sivantos. Quant à AudioPro Connect, nouvel entrant lui aussi dans le champ de l’e-santé appliquée à l’audiologie, il concerne davantage le télé-réglage et à ce titre, est complémentaire de Profonia (lire notre article consacré à AudioPro Connect dans Audio infos n° 218).

Personnalisation des soins

Concrètement, Profonia se décline sous deux applications : l’une à destination de l’ordinateur de l’audioprothésiste et l’autre, baptisé « MyProfonia », qui s’installe sur le téléphone portable du malentendant. Tout commence dans le centre d’audioprothèse. Profonia propose en effet un module d’anamnèse, qui peut être réalisée soit avec l’audioprothésiste, soit dans la salle d’attente, seul ou avec l’assistante. Puis vient la deuxième étape : le questionnaire d’éligibilité. Parce que les équipes de Profonia ont bien conscience que ce type de produits ne convient pas à tout le monde. Il est nécessaire d’avoir un minimum la fibre numérique, l’esprit 2.0. Ainsi, les futurs utilisateurs — les patients — sont tout d’abord invités à se soumettre à un test d’éligibilité à la plate-forme. Pour cela, les équipes de Profonia ont mis au point un questionnaire basique, composé de cinq questions. Ce questionnaire est néanmoins complètement éditable par l’audioprothésiste, s’il souhaite ajouter, modifier ou supprimer des questions. Et c’est d’ailleurs là l’un des points forts du programme puisque cette possibilité d’édition se retrouve sur l’ensemble du logiciel. Profonia fournit en fait une base, parfaitement aboutie en l’état, mais libre à chaque client dans un deuxième temps de l’adapter à ses besoins ou ceux de ses patients, s’il se sent l’âme créatrice. Si le patient est éligible, il est alors prêt pour l’étape suivante. C’est ici que l’on entre dans le coeur de Profonia : la mise au point du programme de suivi, qui permet de personnaliser le plan de soin. La personnalisation est l’un des bénéfices importants qu’apporte la télémédecine ou plus largement l’e-santé. Dans ce cas, une fois le patient appareillé, l’audioprothésiste va organiser avec lui un calendrier d’activités, de tests, de questions… afin d’assurer le suivi et l’entraînement auditif du patient. Cette étape se déroule sur l’ordinateur de l’audioprothésiste et prend la forme d’un simple agenda. Sur celui-ci, l’audioprothésiste, en concertation avec son patient, ajoute des activités (en utilisant la simple fonction cliquer-glisser), en se fondant notamment sur l’emploi du temps de celui-ci. Par exemple, si le patient a prévu d’aller au restaurant un soir, l’audioprothésiste jugera sans doute pertinent de lui prévoir une activité en relation avec l’intelligibilité dans le bruit. Les activités proposées sont courtes et non chronophages ; elles sont effectuées en quelques « clics » sur le téléphone du patient, via l’application MyProfonia. Dans l’exemple choisi, il pourrait simplement s’agir d’une question fermée : « Comment jugez-vous votre audition pendant le dîner ? Bonne ou mauvaise ». En fonction de la réponse, une autre question peut être proposée. Ou bien une « ressource », comme une vidéo. Par exemple, si la question posée est « Avez-vous nettoyé vos aides auditives ? » et que la réponse est « non », alors la question suivante sera « Voulez-vous voir une vidéo montrant comment nettoyer vos aides auditives ? ». Si le patient répond « oui », la vidéo démarre. Encore une fois, l’ensemble de ces questions-réponses, leur enchaînement, les ressources proposées, etc. sont entièrement éditables. En plus de ces activités, l’audioprothésiste a la possibilité d’ajouter ses rendez-vous dans le programme de suivi.

Une interface patient simple

Côté patient, Profonia a souhaité rendre l’application mobile — MyProfonia — la plus simple possible, afin qu’un maximum de patients soit en mesure de l’utiliser. L’interface d’accueil ne contient que quatre boutons : activités, cahier de liaison, statistiques et aide. En choisissant le bouton activités, le patient retrouve l’ensemble des activités qu’il a réalisées, ainsi que celles à venir dans les prochains jours, mais pas au-delà, afin qu’il ne soit pas tenté de prendre trop d’avance ; les activités sont en effet programmées en relation avec l’emploi du temps du patient et suivent une progression. Dans le cahier de liaison, le patient est invité, tous les soirs, à confier son ressenti concernant son audition, à indiquer combien de temps il a porté ses aides auditives (des données qui pourront être recoupées avec le Data Logging), etc. Ce bilan quotidien est envoyé à l’audioprothésiste. En appuyant sur le bouton statistiques, l’utilisateur trouvera un résumé, en chiffres, de ses activités, de son temps de port et des points qu’il a inscrits. Les concepteurs de Profonia ont en effet introduit un aspect ludique — gamification en anglais — dans la plate-forme, une composante fondamentale en e-santé, afin de fidéliser le patient et d’en faire un acteur de son parcours de soin. On parle d’empowerment. Enfin, le bouton d’aide dirige le patient vers un centre de ressources qu’il peut consulter en fonction de ses besoins : des questions/réponses, des vidéos lui montrant comment mettre ses aides auditives, comment les nettoyer, comment changer les piles, etc. Prête à l’emploi depuis le début de l’année 2017, l’application Profonia est désormais en quête de ses premiers utilisateurs et c’était précisément l’objet de la présence de la société sur le Congrès des audioprothésistes 2017 : « Le congrès a été très positif pour nous, se félicite Pierre-Olivier Goineau, bien au-delà de nos espérances. Nous avons réussi à sensibiliser aussi bien les indépendants que les groupements, ce qui nous a permis de recruter nos early adopters, avec qui nous allons lancer des phases tests. » Par ailleurs, la levée de fonds réalisée par Profonia est toujours en cours. La start-up est encore à la recherche de fonds, afin de procéder à plusieurs recrutements, d’enrichir son produit, notamment avec d’autres « briques » métiers et, enfin, dans le but de s’émanciper à l’international…

L'e-santé, une discipline nouvelle

C’est vraisemblablement à John Mitchell, consultant australien dans le domaine de la santé, que l’on doit le terme e-santé. Au cours du 7e congrès international de télémédecine, il aurait utilisé ce néologisme pour la première fois lors de sa présentation. Si, à l’époque, John Mitchell avait défini l’e-santé comme « l’usage combiné de l’Internet et des technologies de l’information à des fins cliniques, éducationnelles et administratives, à la fois localement et à distance », sa définition actuelle est l’application des technologies de l’information et de la communication (TIC) à la santé et au bien-être.

BS