Congrès de l’Unsaf : « La question du reste à charge doit être traitée dès septembre 2017 ! »

interview

Rendez-vous au Palais des Congrès de Paris, où se déroule du 24 au 26 mars l'événement incontournable de l’audioprothèse en France ! Si c’est une année particulière pour la profession – qui fête les 50 ans de sa création officielle – le 39e Congrès des audioprothésistes sera surtout l’occasion de revenir sur l’actualité du secteur au regard des élections présidentielles qui approchent à grands pas. Retour avec Luis Godinho, président du Syndicat national des audioprothésistes, sur les temps forts de l’événement, mais également sur les défis syndicaux pour l’année en cours. Interview réalisée par Guillaume Bureau.

Congrès de l’Unsaf : « La question du reste à charge doit être traitée dès septembre 2017 ! »

 Interview de Luis Godinho

Président du Syndicat national des audioprothésistes (Unsaf)

Audio infos : La profession fête cette année les cinquante ans de sa création officielle. Cet anniversaire sera-t-il au cœur du congrès cette année ?
 
Luis Godinho : Cette année, c’est un congrès un peu spécial que nous vous proposons, car nous sommes plus que jamais au cœur de l’actualité. Et c’est un fait, l’anniversaire de la profession a été complètement éclipsé par la montée du sujet « audioprothèse » dans les élections présidentielles. Nous avons une telle actualité que nous n’allons finalement pas ajouter un sur-sujet, qui viendrait presque perturber le débat sur la prise en charge des aides auditives. La question a monopolisé le débat public tout au long de l’année – et nous en sommes très satisfaits – même si nous sommes toujours un peu inquiets de savoir comment cela va se traduire par la suite. En conséquence, l’événement des 50 ans de la profession que nous voulions véritablement mettre en exergue attendra un moment plus propice, car force est de constater qu’il y a déjà bien assez de matière.
Ceci étant, beaucoup de belles choses attendent les congressistes ! Nous allons parler des élections présidentielles, du fait que l’audioprothèse appartient bel et bien au champ de la santé – avec une journée scientifique qui va peut-être encore nous apporter de nouveaux éléments éclairants – sans oublier les nouvelles technologies, avec l’apport des fabricants qui sont extraordinaires, car à chaque fois que nous avons l’impression d’avoir atteint un plafond, ils nous proposent quelque chose de nouveau ! Ce congrès traitera donc à la fois de technologies, de science appliquée à ce que nous faisons tous les jours, et de politique donc. Alors que dire de plus ? Ce congrès 2017, c’est « The place to be » !
 
A.i. : Quels seront les temps forts de cette édition ?
L.G. : Nous invitons bien évidemment tous les congressistes à assister à la table ronde politique. Elle constituera incontestablement le temps fort de ce congrès, dans le sens où nous aurons la possibilité d’échanger avec certains représentants des candidats à l’élection à la présidence de la République. Et notamment ceux de Benoît Hamon, d’Emmanuel Macron et de François Fillon. Voilà une occasion unique de discuter avec eux et surtout, de leur faire passer des messages forts ! En ce sens, nous comptons leur remettre le Livre blanc de l’audioprothèse que nous avons finalisé avec les autres instances représentatives de la profession : Synam, Synea, CNA, et Unsaf donc. C’est le moment ou jamais de leur soumettre ce travail que nous menons ensemble depuis presque un an. Ce document qui porte sur tous les aspects du métier, nous l’avons également enrichi du travail réalisé par l’Autorité de la concurrence lors de son rapport d’étape. Dans ce livre, nous allons toujours plus loin dans l’explication de ce qu’est le métier d’audioprothésiste, mais sur une base pratique, avec des fiches thématiques : « Qu’est-ce que la surdité ? », ses conséquences, les bénéfices de l’appareillage, le reste à charge, comprendre le taux d’équipement, etc.
L’objectif est donc de donner un maximum d’informations sur notre métier, sur ses enjeux surtout, aux candidats à l’élection présidentielle par l’intermédiaire de leurs représentants. Et je dois souligner que ce Livre blanc est un document global, « apaisé » – de constat en quelque sorte – et qui est l’image de toutes les sensibilités de la profession.
 
A.i. : La Journée pluridisciplinaire représente le pendant scientifique de la table ronde professionnelle ?
L.G. : C’est en effet l’autre temps fort de la vie du congrès et je tiens à remercier chaleureusement le professeur Paul Avan et Éric Bizaguet qui organisent cette journée pluridisciplinaire chaque année. Cette fois, elle portera sur le thème : « Comment adapter la prise en charge médicale et prothétique pour une meilleure efficacité de l’appareillage au niveau cognitif ? ». Elle est ainsi dans la continuité des précédentes. J’ai en effet impulsé auprès des organisateurs une dynamique autour de l’idée qu’il y a eu – et qu’il y a toujours – beaucoup de publications sur la thématique du déclin cognitif et qu’il était utile de s’y pencher. Ce moment d’échange vient ainsi étayer nos actions politiques. Ce sera le cas cette année, comme cela a été le cas les années précédentes, avec entre autres, la participation du professeur Hélène Amieva dont les travaux ont un retentissement international.

A.i. : C’est afin de valoriser « la science » que vous avez invité Stéphane Laurent, le président du Collège national d’audioprothèse, à inaugurer le congrès ?
L.G. : J’ai choisi d’inviter Stéphane Laurent, car nous avons développé d’excellents rapports personnels et une très belle collaboration professionnelle, à l’instar de celles que j’entretenais avec son prédécesseur, Éric Bizaguet. Et en effet, je considère que Stéphane Laurent participe à une certaine évolution de la profession. L’approche scientifique en l’occurrence. Le thème de la dernière édition de l’EPU en témoigne : « Pratique fondée sur les preuves en audioprothèse : l’approche scientifique peut-elle favoriser l’esprit critique et améliorer nos pratiques au quotidien ? » L’inviter à inaugurer le congrès est un moyen de rendre hommage à son action et à son travail.
 
A.i. : Quel message souhaiteriez-vous adresser aux audioprothésistes qui exercent en 2017 ?
L.G. : Certains ont voulu caricaturer notre secteur, le pointer du doigt pour ses marges supposées, etc. Mais l’Autorité de la concurrence l’a bien montré, l’audioprothèse est un métier complexe, à l’image de tout ce qui touche au domaine de la santé. Quoi qu’il en soit, je crois que c’est une profession qui n’est pas près de disparaître ! Cependant, nous sommes, comme depuis quelques années déjà, à la croisée des chemins. Mais ce chemin, nous l’avons déjà bien entamé. Aujourd’hui, nous avons des études sur le secteur, des chiffres étayés, une quantité très importante de données qui nous permettent d’arriver dans de bonnes conditions pour d’éventuelles négociations avec les Pouvoirs publics et le futur gouvernement. Alors que dire à un jeune confrère ? Je pense que nous avons encore un bon nombre d’années d’exercice devant nous, et ce, au bénéfice de nos patients. Car je continue de penser que les patients ont besoin d’un cadre, de professionnels aguerris et qui leur donnent du lien et ce, loin de certaines dérives comme la publicité à outrance par exemple… Et c’est un métier qui est très riche, très divers, qui change tout le temps ! En témoignent les incessantes évolutions technologiques et découvertes scientifiques ! C’est toujours un métier passionnant. Et je ne peux que me réjouir de voir qu’il intéresse de plus en plus d’étudiants.

Aussi, pour les audioprothésistes plus capés, il est certain que la vie était plus simple il y a quelques années. Il fut un temps où il suffisait de bien travailler, de façon consciencieuse, pour que les choses soient « faciles ». C’est un peu moins le cas aujourd’hui. Il y a plus de concurrence et de surcroît, souvent moins éthique. Pour autant, il ne faut pas nourrir trop d’inquiétudes. Au moment où les choses vont vraisemblablement évoluer, je pense que le gouvernement a tout intérêt à ce que les gens soient bien appareillés. Et pour ce faire, il faut de bons professionnels. Et s’il faut peut-être faire un peu plus le « dos rond » aujourd’hui, que le prix moyen a légèrement baissé, la situation est loin d’être catastrophique – mis à part des cas particuliers. Et quand on voit l’appétence avec laquelle se déroulent les rachats de centres, il est inconcevable d’en déduire que le métier est au bord du gouffre… C’est un message que j’ai envie de rappeler aux audioprothésistes indépendants. Je pense qu’il y aura toujours de la place pour eux dans ce métier !
 
A.i. : Sur quels dossiers vont porter vos efforts pour la suite de l’année ?
L.G. : Naturellement, la suite de notre action syndicale consistera à passer aux actes ! Quel que soit le gagnant des élections présidentielles, il y a eu trop d’annonces de faites. La problématique du trop fort reste à charge en audioprothèse ne pourra souffrir d’attendre une année de plus. Nous allons rapidement passer à une phase de concertation avec les pouvoirs publics : quid de la réingénierie du diplôme ? ; quid des modalités de remboursements ?, etc. On parle beaucoup de l’optique, du dentaire et de l’audioprothèse en ce moment, mais il y a d’énormes différences entre ces secteurs ! L’optique est par exemple beaucoup plus remboursée par les complémentaires, le dentaire beaucoup moins, l’audioprothèse, quant à elle, l’est très faiblement. Nous savons désormais que le reste à charge le plus important se trouve en audioprothèse, et cela tombe bien. C’est le secteur qui est le plus facile à reconquérir puisqu’il suffit de 100, voire de 300 millions d’euros pour rembourser significativement mieux, alors que dans les secteurs du dentaire et de l’optique, c’est en milliards d’euros que l’on compte…
 
A.i. : Pensez-vous que des négociations puissent aboutir courant 2017 ?
L.G. : Nous aurons forcément beaucoup de travail à réaliser auprès des pouvoirs publics, mais nous ne sommes pas très inquiets. En effet, tout le travail sur notre secteur – chiffres, données études, etc. – est déjà en notre possession. Nous aurons seulement à l’accompagner. Aussi, j’ai bon espoir que le dossier de l’audioprothèse sera saisi dès le début de la nouvelle mandature. Personne n’aura alors oublié les prises de position des uns et des autres, les promesses, etc. Tous se sont prononcés pour une amélioration de la prise en charge des aides auditives, et même, pour deux d’entre eux, pour une prise en charge à 100 % !
À mon sens, nous pouvons nous attendre à devoir accompagner les demandes d’information émanant du gouvernement dès le mois de septembre 2017 et à entamer le dialogue dans la foulée. Nous pousserons bien évidemment à ce que ce travail gouvernemental soit fait sous un prisme très « santé » et avec tous les représentants professionnels. Plus que jamais auparavant, nous sommes solides, les tempêtes que nous avons traversées n’ont fait que nous renforcer.
 
A.i. : Les audioprothésistes sont-ils assez « engagés » selon vous ?
L.G. : J’espère qu’il y aura de plus en plus de professionnels investis, engagés politiquement, et notamment au sein des structures de santé publique. Car nous essayons bel et bien d’emmener le métier vers une autre image et un autre positionnement, beaucoup plus axé « santé », et il faudra que cet élan puisse être perpétué. Je suis aussi particulièrement satisfait de voir que le nombre d’adhérents à l’Unsaf a augmenté de 25 à 30 % l’an dernier. Aussi, je souhaite renouveler ici tout le bien que je pense du Syndicat des étudiants, la FNÉA, que son dynamisme honore et qui représente la relève aussi. Et je suis heureux de voir que des jeunes de 20 à 25 ans ont déjà une conscience politique et professionnelle. C’est très important pour l’avenir de cette profession.

Propos recueillis par Guillaume Bureau