« Je ne suis pas certain que l’assurance maladie tolérera désormais les pratiques publicitaires contestables »

Congrès des audioprothésistes

Luis Godinho est président de l’Unsaf (Syndicat National des Audioprothésistes) depuis 2012. Il a porté les récentes négociations qui ont permis d’obtenir un meilleur remboursement des aides auditives par la sécurité sociale, pour arriver progressivement jusqu’en 2021 à ce qu’il ne reste plus rien à la charge de l’assuré.
Audio Infos l’a rencontré pour qu’il nous décrypte les bouleversements de ces dernières années et l’avenir d’un métier qu’il pratique depuis 26 ans.

« Je ne suis pas certain que l’assurance maladie tolérera désormais les pratiques publicitaires contestables »

Audio Infos : L’amélioration du remboursement des audioprothèses a commencé le 1er janvier 2019. Quels retours avez-vous ?

Luis Godinho : Nous avons des retours plutôt positifs. D’abord, il y a moins de communications négatives sur nos prétendus prix excessifs, ce qui rend tout le monde plus serein. Cependant, le pas du remboursement reste assez léger cette année, on est loin du reste à charge zéro. Alors nous n’avons pas encore les patients qui ne peuvent pas payer leurs aides auditives, ceux-là viendront en 2021. Mais à mon avis, ils sont minoritaires. Il y a à peu près 2 millions de personnes appareillées et la cible, est désormais à peu près 3 millions de personnes. Nous pensons que sur le million qui reste à appareiller, ce n’est pas un problème économique mais essentiellement un problème d'image. Or l'image est en train de changer, grâce à la communication du ministère de la santé. Madame la Ministre parle maintenant régulièrement du monde de l’audioprothèse, ce qui nous sort de la polémique. Il faut se souvenir que nous sommes passés d’un discours en 2013, qui parlait des prix excessifs et d’une profession limite malhonnête, qui en tout cas pratiquait des prix excessifs, à cette année, un discours qui parle de rembourser les audioprothèses. Avant, certains hésitaient à venir car parce qu’ils avaient entendu dire que c’était hors de prix. Mais tout est hors de prix en santé quand c’est mal remboursé ! Il ne faut pas oublier qu’on avait malgré tout deux millions de patients appareillés avec un reste à charge moyen de 1000 euros, nous avons été bons quand même.

Audio Infos : Vous pensez que cette mesure de remboursement va régler tous les problèmes de personnes non appareillées ?

Luis Godinho : Non. Il y a eu une enquête réalisée par Entendre l'année dernière, qui disait qu'il y a plus de personnes qui ne s'appareillent pas parce qu'elles considèrent que ce n’est pas urgent, que pour des problèmes d'argent. Certains retraités ont un pouvoir d’achat tout à fait correct et beaucoup pourraient s’appareiller. Ils le font un peu tard, vers les 75 ans, alors qu’ils devraient le faire cinq ans plus tôt, car ils commencent déjà à avoir une perte auditive appareillable. Pourquoi ? Parce qu’il y a un problème de stigmatisation, ce n’est pas anodin de se faire appareiller. Or, des études montrent qu'il y a un lien entre audition et déclin cognitif. La surcharge cognitive, due au fait que les gens devinent les mots au lieu de les entendre, serait responsable d’un déclin précoce. Le délai entre la baisse d’audition et l’appareillage est d’environ de sept ans, il faudrait que ça diminue.

Audio Infos : La profession d’audioprothésiste a été malmenée ces dernières années. Que s’est-il passé selon vous ?

Luis Godinho : Il y a 5 ans, nous disions que nous vendions des petits machins pleins de technologies, qu’ils faisaient 50 millions d’opérations à la seconde, possédaient un microprocesseur de 2mm, etc. Peut-être ! Mais certains se disaient que leur smartphone aussi possède plein de technologies, et qu’il vaut 700 euros, alors que nos « machins » en valent 1500. Alors certains ont commencé à se demander si le prix n’était pas excessif. Je n’ai pas arrêté de dire à mes collègues d’arrêter de parler de la technologie des appareils, car ce n’est pas ce que nous faisons, ce sont les fabricants qui font ça. Nous, nous faisons du service.

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Corinne Couté