Donald Trump signe la loi sur la vente libre des aides auditives

Aides auditives « over the counter »

C’est la fin d’un feuilleton qui a divisé le monde de l’audiologie aux États-Unis. Le 18 août 2017, le président américain Donald Trump a signé le Food and Drug Administration Reauthorization Act 2017, un projet de loi valise, déjà adopté par le Parlement, contenant notamment l’Over the counter Hearing aid Act (lire notre édito et notre article dans Audio infos n° 221). Ce dernier texte, visant à créer une catégorie d’aides auditives pour les pertes auditives légères à modérées, destinée à la vente libre (over the counter, en anglais), est donc définitivement adopté.

Donald Trump signe la loi sur la vente libre des aides auditives

Parmi les associations de patients, les sociétés savantes ou les professionnels de santé, les avis étaient très partagés concernant cette mesure. Ainsi, du côté des professionnels de santé, l’American Academy of Audiology était favorable à l’OTC sous certaines conditions, tout comme l’American Speech-Language-Hearing Association. L’Academy of Doctors of Audiology y était favorable, l’International Hearing Society y était pour sa part opposée. De leur côté, les associations de consommateurs et de malentendants étaient bien entendu favorables à cette évolution. Enfin, du côté des fabricants, la Hearing Industries Association (HIA) y était favorable à condition, notamment, que ces aides auditives ne soient autorisées que pour les pertes légères (et non légères à modérées). Sur ce dernier point, la HIA n’a pas été entendue.

Au sein de la sphère scientifique, certains chercheurs et praticiens de renom avaient pris position en faveur de ces mesures, espérant ainsi favoriser l’accès à la réhabilitation auditive. C’est le cas de la chercheuse Judy Dubno, qui avait publié un article plaidoyer à ce sujet en 2010, et avait fait partie du groupe de travail du NIDCD sur l’accessibilité et l’abordabilité des aides auditives, créé en 2009. Plus médiatique, l’ORL Frank Lin avait également pris position à plusieurs reprises au sujet de cette mesure. Lors d’une interview qu’il nous avait accordée lors du congrès de l’Ifos Paris, il nous concédait que « l’unique modèle, pour l’appareillage, ne peut pas résider sur le fait d’aller voir un audiologiste ou un clinicien. Cela n’est pas compatible avec le fait de dire que la perte auditive est un problème important. D’autant que le nombre de malentendants ne cesse d’augmenter. Il faut d’autres modèles de soin. Maintenant, grâce aux progrès technologiques, il est possible de proposer des aides auditives efficaces et sans danger en vente livre. Bien sûr, les personnes qui vont passer par ce processus ne seront pas aussi bien appareillées que si elles se rendaient chez un professionnel. De la même manière, si vous achetez un vélo dans une grande surface, il ne sera pas aussi performant que si vous l’aviez acheté chez un spécialiste qui vous fera du sur-mesure. Mais c’est toujours mieux que de ne rien avoir et cela va aider certaines personnes. »

Quoi qu’il en soit, l’OTC Bill n’a pas fini de diviser, puisque le texte de loi prévoit que la FDA établisse une réglementation pour cette catégorie d’appareils auditifs, dans un délai de trois ans maximum, après quoi les industriels pourront proposer ces appareils aux consommateurs. Ces aides auditives devront notamment répondre à des exigences de sécurité et d’efficacité « raisonnables », dit la loi, et des informations claires devront figurer sur ces appareils indiquant notamment les capacités de l’appareil et son appartenance à la catégorie OTC. La FDA devra aussi définir les conditions de vente. Autant de critères sur lesquels les associations et industriels vont désormais tenter de négocier.

En France, et même en Europe, où les avis sont moins divisés, une telle mesure n’est pour le moment aucunement d’actualité. (Lire notre article : Les préoccupations américaines discutées en Europe.)

Preuve que le sujet de l'accessibilité des aides auditives est un sujet brûlant aux États-Unis, Debbie Dingell, membre du congrès américain, a présenté le 26 juillet un projet de loi visant à intégrer les aides auditives au sein du Medicare, le système d'assurance-santé fédéral américain, destiné aux personnes de plus de 65 ans ou souffrant de certains handicaps. L'adoption de ce texte, appelé Medicare Hearing Aid Coverage Act of 2017, entraînerait la prise en charge des aides auditives. Il lui faudra avant cela suivre le long parcours législatif qui fera potentiellement de lui une loi.

« Over the counter », la chronologie

  • Août 2009 : Création du groupe de travail à l’Institut national sur la surdité et autres troubles de la communication (NIDCD) sur l’accessibilité des aides auditives.
  • 23 octobre 2015 : Le Conseil Présidentiel sur la Science et de la Technologie (PCAST) adresse une lettre au président Obama, recommandant, entre autres, le modèle OTC.
  • 21 avril 2016 : un workshop de la Food and Drug Administration (FDA) traite de l’accessibilité des aides auditives.
  • 2 juin 2016 : L’Académie des sciences américaine (NAS) publie un rapport intitulé « Hearing Health Care for Adults: Priorities for Improving Access and Affordability », contenant 12 recommandations, dont la fin de la prescription médicale obligatoire et la création d’une catégorie « over-the-counter » pour les pertes auditives légères à modérées.
  • 7 décembre 2016 : la Food and Drug Administration annonce que les ordonnances ne sont plus nécessaires pour obtenir des aides auditives et émet le souhait de créer une catégorie d’appareils « over-the-counter ».
  • 20 mars : Quatre sénateurs font une proposition de loi sur l’OTC : Over the Counter Hearing Aid Act of 2017 ou OTC bill.
  • 12 mai : l’OTC bill est annexé à une importante loi sur les dispositifs médicaux (Medical Device User Fee Amendments – MDUFA) dont le vote au Sénat est programmé au 16 octobre au plus tard.
  • 12 juillet : la Chambre des représentants adopte le MDUFA, contenant l’OTC Bill.
  • 4 août : le Sénat adopte le FDA Reauthorization Act, contenant les MDUFA et l’OTC Bill.
  • 18 août : le président Donald Trump signe le FDA Reauthorization Act, le transformant de fait en loi.

BS