La JNA apporte des précisions autour de sa démarche auprès de la HAS

Le 28 juillet dernier, l’association Journée nationale de l’audition avait adressé un courrier à la Haute Autorité de Santé - invoquant sa fonction d’alerte – afin notamment d’attirer l’attention de l’institution sur le débat de l’audioprothèse en France. 

Publié le 09 novembre 2016

La JNA apporte des précisions autour de sa démarche auprès de la HAS

Ce dernier étant aux yeux de l’association « abordé au travers de paradigmes commerciaux et financiers. » L’association arguait « l’urgence de rappeler la “voix des patients” et de remettre le patient “presbyacousique” au cœur du parcours de santé. » Aussi, la JNA suggérait à la HAS de « réaliser une démarche active d’évaluation du service médical rendu aux patients (SMR) des solutions de corrections auditives (assistants d’écoute, prothèses auditives et accompagnement audioprothétique), (…) afin de contribuer à une réponse de santé publique équilibrée. »

Si la demande de l’association de rencontrer la directrice de la HAS, Agnès Buzyn, donnera lieu à un échange entre Jean-Luc Puel, directeur de la JNA et elle à la fin du mois de décembre, le courrier de réponse de l’institution précise que cette rencontre se déroulera « hors du cadre du droit d’alerte », l’association n’étant pas agrée au titre de la représentation des usagers.

Le courrier, publié sur le site de la HAS au titre de demande de saisine de l’institution, a donné lieu à quelques incompréhensions au sein de la profession. Si d’aucuns se sont sentis dénigrés dans leur exercice professionnel, le Syndicat national des audioprothésistes (Unsaf) a pour sa part souhaité « porter à la connaissance de la Haute Autorité de Santé quelques précisions ». Nous les reproduisons un peu plus loin ci-dessous.

Aujourd’hui, 9 novembre, c’est Jean-Luc Puel qui tient à s’exprimer dans un communiqué de presse afin de clarifier la démarche entreprise par l’association auprès de la HAS :

Requête de la JNA auprès de la Haute Autorité de Santé

« L’association JNA a demandé à la Haute Autorité de Santé qu’une réponse rapide soit apportée au problème de l’accès des malentendants à la réhabilitation fonctionnelle de l’audition. Cette démarche se situe clairement dans l’intérêt des malentendants, et ne vise aucun professionnel de l’audition. En ouvrant un débat sur le Service Médical Rendu, elle invite à une réflexion qui engage tous les acteurs œuvrant dans le domaine de la surdité.

Comme informée par voie de presse spécialisée, l’association JNA a effectué une démarche auprès de Madame la Présidente du Collège de la Haute Autorité de Santé. Cette action se situe dans le cadre de l’examen du Plan de financement de la Sécurité sociale pour 2017 présenté par Marisol Touraine devant la Commission parlementaire des Affaires sociales de l’Assemblée nationale le mardi 11 octobre 2016.

Depuis 20 ans, l’association JNA mobilise au quotidien l’ensemble des acteurs de la santé et de la prévention répartis sur tout le territoire. En mettant l’audition au cœur de la santé et de l’équilibre de vie des jeunes, des actifs et des séniors, notre association porte une action d’intérêt général. Chaque année, la JNA promeut au cours de sa campagne éponyme, les bonnes pratiques de santé auditive dont des mesures de prévention, la systématisation des bilans de l’audition, et la mise en place des solutions de réhabilitation. Elle informe sur le parcours de santé auditive et valorise la qualité de l’accompagnement des patients souffrant des déficiences auditives réalisée par les différents professionnels de l’audition que sont les médecins ORL, les audioprothésistes et les orthophonistes.

La JNA s’est toujours affichée comme un auteur indépendant respectueux des équilibres professionnels et de la qualité de la prise en charge des patients. Elle se devait donc d’intervenir sur un sujet aussi crucial pour les malentendants que l’accès aux soins et à la réhabilitation fonctionnelle de l’audition. C’est donc tout naturellement, et en toute légitimité que l’association JNA a saisi Madame la Présidente du Collège de la Haute Autorité, pour échanger sur la mise en place éventuelle d’un indicateur objectif d’évaluation tel que le « Service Médical Rendu » mettant au centre du dispositif la satisfaction du patient en prenant en compte de manière indissociée les solutions et l’accompagnement audioprothétique. Dans ce courrier, l’association JNA a aussi rappelé que la réhabilitation fonctionnelle de l’audition correspond à un besoin médical, qui devrait dans les années à venir s’accentuer à cause des conduites à risque des jeunes et du vieillissement de la population. »

 

Lettre de l’Unsaf à la HAS du 27 octobre 2016 :

« Après avoir pris connaissance du courrier que vous a adressé l’association JNA en date du 28 juillet 2016, nous souhaitons apporter quelques précisions.

En premier lieu, nous nous félicitons de voir que le SMR de l’audioprothèse, qui avait été mis en évidence au détour d’une étude médico-économique portée par la profession en mars 20161, ait pu ainsi cheminer.

De longue date, les représentants de la profession ont dénoncé le trop important reste à charge que subissent dans notre pays les déficients auditifs2,« grands oubliés de la solidarité nationale » 3.

Après plusieurs années de polémiques et d’attaques médiatiques visant les audioprothésistes, l’Autorité de la concurrence est venue clarifier le débat en constatant« qu’il n’y a pas d’acteur en position dominante et que la structure du marché devrait favoriser la concurrence ».Le « prix est resté relativement stable ces dernières années à cause d’une innovation technologique permanente. Il est toutefois comparable au prix relevé dons les autres pays de l’Union européenne, et même inférieur pour les produits haut de gamme » 4.

Par ailleurs, nos échanges avec l’Assurance maladie ont amené son directeur général, M. Nicolas Revel, à admettre, dans un courrier en date du 17mars 2016 adressé à l’UNSAF, que « les évolutions sociétales, démographiques, et le poids des maladies neuro-dégénératives font en effet de l’accès des personnes malentendantes aux soins une question d’une grande acuité ». Dans le but « d’améliorer la prise en charge de ces patients », « plusieurs pistes semblent pouvoir être explorées, notamment l’évolution de la LPP déjà trop ancienne et inadaptée aux besoins et pratiques actuels ». Le directeur de la Cnamts précise aussi qu’« un travail pourra être mené sur la base notamment de vos pistes de réflexion ».

Dans une note publiée le16 juin 20165, le Collectif interassociatif sur la Santé (Ciss), association agréée au titre de la représentation des patients, émettait plusieurs propositions pour « faciliter l’accès à l’audioprothèse », et mettre en place « une politique résolue pour affronter un défi de santé publique » notamment par l’augmentation du « remboursement des audioprothèses par l’Assurance maladie».  Cette prise de position avait été précédée d’un travail mené entre le CISS, l’association de malentendants Bucodes-Surdifrance et des représentants des audioprothésistes.

Cette « alerte » de l’association JNA, rendue publique par la HAS ce 24 octobre, vient donc s’ajouter à beaucoup d’autres alertes, dont les conclusions convergeaient sur la nécessité d’améliorer la prise en charge de l’audioprothèse, et qui ont été entendues par le Gouvernement. En effet, le 11 octobre dernier la ministre de la Santé, Mme Marisol Touraine, a évoqué la nécessité d’une meilleure prise en charge des appareils auditifs. Cette amélioration des remboursements publics est d’autant plus justifiée que l’efficience des audioprothésistes de notre pays est élevée. En effet, s’il était déjà connu que la satisfaction des malentendants est maximale en France6, une étude conjointe de la Fédération européenne des malentendants (EFHOH) et desassociations européennes d’audioprothésistes et de fabricants (AEA et EHIMA), publiée en septembre 20167apporte un éclairage inédit sur les taux d’équipement en Europe.

La France, avec 70 % des « appareillables » équipés, se trouve en huitième place à égalité avec l’Allemagne, malgré des remboursements publics 7 fois inférieurs : 120 € par oreille en France, 840 € en Allemagne. Les pays aux taux supérieurs au nôtre ont tous des prises en charge très supérieures, voire intégrales. Tandis que certains pays voisins malgré des remboursements environ 5 fois supérieurs (660 € par oreille en Belgique, 600 € en Italie) ont des taux d’équipement d’environ 50 %, nettement plus faibles que le nôtre.

Nous avons été surpris de la confusion faite par l’association JNA, lorsqu’elle affirme que « les solutions de compensation par les prothèses auditives et les assistants d’écoute sont les seules réponses possibles de traitement médical ». La DGCCRF, dans sa fiche « Appareils auditifs »met en garde sur la différence entre appareils auditifs et « assistants d’écoute », ces derniers « non adaptés à de réelles pathologies auditives, mais plutôt destinés à une aide ponctuelle, sont vendus sans ordonnance ». L’association de malentendants Bucodes­ Surdifrance écrivait dès octobre 20149 que « sur 5 ans, le reste à charge pour l’achat d’une prothèse auditive d’entrée de gamme est donc nettement moins élevé (de 86 à 300 €) que le prix d’un assistant d’écoute qui, lui, ne bénéficie pas de remboursement des Assurances Maladies ».

De nombreuses études montrent que, dès l’adaptation initiale, les performances de ces produits, de qualité très variable, ne sont pas comparables aux appareils auditifs, adaptés sur mesure par les audioprothésistes. De même, les liens entre qualité de l’accompagnement, satisfaction et observance du déficient auditif appareillé, sont aujourd’hui bien documentés. Comme l’écrivait récemment l’Autorité de la concurrence, « les audioprothésistes ne sont pas seulement distributeurs de biens, mais aussi prestataires de services de santé. Leur activité n’est pas comparable à celle d’un commerçant qui achète des produits pour les revendre en réalisant une marge. Elle s’apparente davantage, pour la part relative aux prestations associées à la vente de l’appareil, à celle d’un infirmier ou d’un masseur-kinésithérapeute, en fournissant des services de soins du patient sur une longue durée. Le prix d’une audioprothèse reflète ainsi à la fois la valeur de l’appareil et celle du temps passé pour les prestations  associées, 12 à 15 heures en moyenne s’étalant sur 5 à 6 ans ».10

Enfin, pour ce qui est de la demande de l’association JNA de création d’un indicateur du service médical rendu (SMR) par les prothèses auditives, l’étude11 du Pr Hélène Amieva de l’lnserm U897 de Bordeaux, citée par la JNA, en relativise l’urgence. Cette étude observationnelle montrait en effet que l’utilisation d’appareils auditifs prévient le sur-déclin cognitif constaté chez les malentendants âgés. Ses résultats suggéraient que les audioprothèses agissent sur le déclin cognitif en restaurant les capacités de communication et en favorisant le maintien des activités sociales. Cependant, s’agissant d’une étude observationnelle, « pour avoir la preuve formelle de l’effet d’une intervention, il faudrait conduire un essai thérapeutique avec un groupe contrôle », concluait le Pr Amieva lors de la conférence de presse de présentation de l’étude12.  Aucune étude interventionnelle de ce genre n’étant en cours à notre connaissance, il nous paraît qu’elle devrait être entreprise en priorité. »

Références :

  1. Rapport « Impact économique du déficit auditif en France et dans les pays développés », J. de Kervasdoué et L. Hartmann, mars 2016, 95 pages, Rapport d’étude pour le CNA, le SYNAM, le SYNEA et l’UNSAF.
  2. Communiqué du 12 février 2014 :« Prix et remboursement des audioprothèses : enjeux de santé publique et enjeux économiques ». http://www.unsaf.org/doc/CP-Unsaf-Prix-et-remboursement-des-audioprotheses.pdf
  3. Communiqué du 22 septembre 2015 :« Nouvelle diminution du reste à charge en santé des Français : les malentendants, grands oubliés de la solidarité nationale ». http://bit.ly/2fm7Xww
  4. Communiqué du19 juillet 2016 : http://bit.ly/2fCr8D0
  5. http://www.leciss.org/espace-presse/communiqués-de-presse/faciliter-l-acces-a-l-audioprothese
  6. Dépêche AEF du 10 avril 2015 : « Audioprothèses : les Français sont de plus en plus équipés et satisfaits de leur équipement ».
  7. Getting our numbers right on Hearing Loss and Hearing Care and Hearing Aid Use in EuropeAEA – EFHOH – EHIMA report, September 2016.
  8. http://www.economie.gouv.fr/dgccrf/Publications/Vie-pratique/Fiches-pratiques/appareils-auditifs
  9. http://surdifrance.org/actualites/actuaIites-audioprothese/261-les-assistants-d-ecoute-en-pharmacie
  10. Communiqué du 19 juillet 2016 ; op.cit.
  11. Self-reported hearing loss, hearing aids, and cognitive decline in elderly adults : A 25 year study. Amieva H,Ouvrard C,Giulioli C,Meillon C, Rollier L, Dartigues JF. J Am Geriatr Soc. 2015 Oct ; 63(10) : 2099-104.
  12. Dépêche APM du 29 octobre 2015 : « Les syndicats se saisissent d’une étude lnserm sur le déclin cognitif pourd éfendre l’intérêt sanitaire des appareils auditifs ».

GB