Dr Nathalie Noël-Pétroff, ORL : « Synthétiser la pathologie »

LIvre

Le docteur Nathalie Noël-Pétroff, ORL à l’hôpital parisien Robert Debré, présentait son dernier ouvrage « Surdité avec handicap associé : cinq outils pour la pratique », le 9 juin 2017 à la Maison Jeunes Alesia « L'Ecale », à Paris. 

Dr Nathalie Noël-Pétroff, ORL : « Synthétiser la pathologie »

C’est une véritable « boîte à outils » que le Dr Nathalie Noël-Pétroff met à disposition de ses lecteurs dans son livre « Surdité avec handicap associé : cinq outils pour la pratique ». Comme elle le confiait lors de sa conférence de presse, elle applique dans sa pratique au quotidien le contenu de ce manuel depuis près de cinq ans, lors du suivi d’enfants sourds. Nathalie Noël-Pétroff est en effet spécialisée en audiologie pédiatrique depuis plus de vingt ans et utilise la méthodologie détaillée dans son livre.

« Des outils nés dans le besoin »
L’ouvrage présente cinq tableaux dont chaque case correspond à un domaine particulier. Pour le premier tableau « UCOPAL » par exemple, chacune des lettres de cet acronyme correspond à une partie du corps : « l’enveloppe extérieure », « le cerveau » ou encore « les organes sensoriels ». Les colonnes permettent, elles, de noter d’éventuelles anomalies sur les régions corporelles observées. L’ensemble des réponses collectées permettra « de refléter soit un syndrome connu (génétique ou acquis), soit une association de symptômes d’origines indéterminées », précise l’auteure dans son livre. « Parfois, certains enfants ont des pathologies de plus en plus complexes, poursuit-elle, les informations essentielles concernant la pathologie médicale permettent ainsi d’avoir une vision synthétique de la pathologie de la personne ». L’ambition du Dr Noël-Pétroff est aussi de créer une référence dans un domaine où elles sont quasi inexistantes. « Ces outils sont nés dans le besoin », explique le Dr Pétroff, notamment dans les cas de « syndrome charge, de trisomie, ou de grands prématurés », pour lesquels les outils de communication ne sont pas assez suffisants.

Un intérêt pluridisciplinaire
La spécialiste dévoile également l’APCEI, une méthode qu’elle utilise depuis treize ans, fondée sur la boucle audio-phonatoire. Selon sa propre définition, ce profil est destiné au « suivi des enfants sourds implantés cochléaires qui récupèrent rapidement de très bons seuils audiométriques, avec des perceptions riches, mais qui peuvent présenter des niveaux d’oralisation très disparates ». Le sigle APCEI signifie Acceptation de l’appareil; Perceptions auditives avec ou sans appareils auditif; Compréhension du message oral perçu (sans lecture labiale); Expression orale, notamment syntaxe; et Intelligibilité de l’enfant, qualité de l’articulation. Le système permet  de « classer les personnes sourdes », entre celles qui parlent et celles qui ne parlent pas, celles qui n’y arrivent pas ou celles qui connaissent des conflits de communication. Certaines vont associer les mots, faire de petites phrases structurées, d’autres vont être capables d’initier un récit. L’acceptation ou non des appareils est donc également étudiée et plusieurs questions sont d’ailleurs posées « Est-ce que l’appareil est porté ? Est-il enlevé en rentrant à la maison ? L’utilisateur est-il investi dans le port de son appareillage ? ». Pour la spécialiste, l’intérêt est multiple : « Tous ceux qui suivent des personnes appareillées (les institutions, les médecins, les audioprothésistes, les orthophonistes, par exemple) peuvent s’appuyer sur ces tableaux afin de comprendre pourquoi quelqu’un parle ou ne parle pas ». L’ouvrage du Dr Noël-Pétroff est conçu comme un trait d’union pratiqueentre les différents professionnels travaillant en réseau autour de la personne sourde. En facilitant leurs échanges, il participe à créer les conditions d’une meilleure prise en charge.
 
Un codage universel
Le Dr Noël-Pétroff a également créé un code simple et compréhensible par le plus grand nombre. Pour qualifier la surdité, elle choisit la lettre L pour légère, S pour Sévère, P pour Profond, T pour transmission associée. Idem pour les appareils : la lettre C pour les implants cochléaires, A pour la prothèse classique, H pour un système hybride, etc. De même, si la personne est appareillée sur l’oreille droite, ce qui concerne l’oreille en question sera inscrit à droite de la lettre. Un point d’exclamation sera noté si la personne veut arrêter l’appareil, ou le reprendre. Parfois, un enfant peut devenir sourd, voir sa surdité évoluer, ou régresser. Dans ce cas, le Dr Noël-Petroff précise qu’il est tout à fait possible d’actualiser le tableau qui n’est « en aucun cas définitif ». Sa visée serait plus de « donner une courbe indicative sur la surdité de l’enfant ». Objectif ultime : pouvoir résumer en un coup d’œil la pathologie d'un patient, ses antécédents, sa possible évolution… autant d'informations précieuses et nécessaires pour une prise en charge optimale.

Optimiser les structures d’accueil
L’auteure a enfin résumé la démarche qu’un praticien est capable d’entreprendre après avoir utilisé ce système : « Je regarde si le patient entend bien. Si c’est le cas, et qu’il porte un appareil, j’observe comment il communique à l’oral et par sa gestuelle. Je vérifie aussi qu’il est capable de parler, faire des phrases, s’il a un déficit cognitif, un retard mental, des troubles psychologiques importants, ou s’il est-capable de suivre en classe. » Une méthode qui permettra d’adapter le nombre de psychologues et de psychiatres nécessaire dans les structures d’accueil. « Du côté des structures également, il est important de savoir combien d’enfants présentent ce genre de difficultés, et à quelle intensité », carcomme le regrette le Dr Pétroff « dire qu’un cas est lourd est loin d’être suffisant ».

Kessy Huebi-Martel