Marché de l’audioprothèse : un dynamisme qui attise les convoitises

Analyse

À l’occasion de la publication de l’étude « Les marchés et la distribution de l’optique et de l’audioprothèse en France », Les Échos Études vous proposent en exclusivité pour Audio infos, une série de quatre articles dont le premier volet est consacré aux évolutions du marché de l’audioprothèse.

Publié le 06 juin 2017

Marché de l’audioprothèse : un dynamisme qui attise les convoitises

Les Échos Études décryptent le marché de l’audioprothèse – Partie 1

Un dynamisme qui attise les convoitises

Avec une augmentation de près de 80 % entre 2006 et 2015, les dépenses remboursables d’audioprothèses connaissent une croissance quasi exponentielle depuis une dizaine d’années (elles s’élèvent désormais à près d’un milliard d’euros sur une base annuelle). Un dynamisme porté à la fois par les innovations produit, avec le développement important des écouteurs déportés, et par l’amélioration du taux d’équipement de la population française, qui se traduit par une augmentation continue des volumes vendus (651 000 unités en 2015, selon les estimations du Snitem).

Paradoxalement, cette forte progression suscite depuis deux ans une vive polémique sur les prix unitaires des aides auditives, alors que ceux-ci sont demeurés globalement stables au cours des dix dernières années, et enregistrent même une légère érosion depuis 2014, en passant sous la barre des 1 500 euros l’unité. S’il est encore trop tôt pour connaître l’orientation des politiques publiques en matière de remboursement, les recommandations de l’Autorité de la Concurrence formulées en 2016 esquissent quelques pistes de régulation : l’aménagement du forfait d’entretien, l’encadrement des tarifs des prothèses d’entrée de gamme… et le développement très contesté des réseaux de soins conventionnés1.

Autant de pistes qui, si elles se concrétisent, laissent présager une reconfiguration profonde de ce marché, qui se traduira inévitablement par des pressions croissantes sur les prix et une intensification de la concurrence entre réseaux de distribution. D’autant que le nouveau président de la République s’est déclaré favorable à une nouvelle répartition des remboursements entre l’Assurance-maladie et les complémentaires santé, dans la perspective d’un reste à charge nul d’ici 2022. Si cette promesse est tenue, quels acteurs en assumeront le coût ?

Les évolutions que connaît actuellement ce marché devraient ainsi s’amplifier. Les acteurs historiques doivent en effet faire face à une concurrence de plus en plus rude, émanant notamment des enseignes d’optique (Optical Center, Krys, Afflelou), qui voient dans l’audioprothèse un relais de croissance intéressant, source de synergies positives avec leur cœur de métier. Cette diversification vers l’audioprothèse constitue d’ailleurs un des mouvements stratégiques les plus structurants du secteur de l’optique.
Rappelons qu’il y a une trentaine d’années, les opticiens étaient positionnés sur les deux marchés, mais ceux-ci ont progressivement délaissé l’audioprothèse pour se concentrer sur l’optique-lunetterie, activité nettement plus rentable à l’époque. Trente ans plus tard, face à l’arrivée en masse des papy-boomers, ils reviennent sur le marché à fort potentiel des aides auditives. Profession organisée et structurée, qui a su se doter de méthodes commerciales efficaces, les opticiens jugent abordable le coût d’entrée (ou de retour) sur ce marché.

En outre, l’Autorité de la Concurrence a recommandé la suppression du numerus clausus des audioprothésistes, ou à défaut son relèvement. Pour les enseignes d’optique qui souhaitent investir ce marché, c’est une bonne nouvelle dans la mesure où la pénurie chronique de professionnels freine le développement des réseaux spécialisés. La configuration actuelle de la distribution (voir mapping ci-dessous), encore très atomisée, devrait évoluer vers une concentration accrue des acteurs, par la mutualisation des réseaux optique et audioprothèse, le rapprochement probable entre enseignes, voire la verticalisation de la filière audio, mouvement d’ores et déjà entamé par les rachats d’Audika par William Demant et d’AudioNova par Amplifon.

Ce mapping regroupe les enseignes en cinq profils :

Les enseignes leader en nombre de magasins (plus de 450 centres) et en chiffre d’affaires moyen par point de vente, 3 à 5 fois supérieur à celui d’un indépendant : Amplifon et Audika.
Les enseignes « challenger ». Ces enseignes, dont les réseaux sont de taille intermédiaire (autour de 300 points de vente), génèrent un CA moyen par point de vente légèrement supérieur à la moyenne constatée chez les indépendants, en raison d’une politique commerciale très agressive (Optic 2000) ou grâce à des partenariats forts avec les organismes complémentaires (réseau mutualiste). Le réseau coopératif Entendre se démarque par un chiffre d’affaires moyen par centre élevé (285 k€).
Les enseignes « challenger » optant pour une offre « premium ». Ces petits réseaux (une cinquantaine de centres) sont positionnés sur le haut de gamme avec un CA par magasin 5 à 10 fois supérieur à un indépendant, et ce en raison d’implantation dans des zones à fort trafic ou de l’offre produit proposée.
Les enseignes mixtes optique et audio. La nature du réseau notamment en franchise est un obstacle à un déploiement de l’offre audio dans l’ensemble de ces réseaux, car fortement dépendant du bon vouloir du propriétaire. Ainsi, la présence des espaces audio reste limitée : dans 5 % des magasins Krys et dans 20 % chez les franchisés Alain Afflelou. Il convient de noter que ces enseignes mixtes sont artificiellement positionnées en haut du mapping car leur chiffre d’affaires moyen par magasin est élevé du fait de leur activité optique dominante.
L’enseigne mixte leader : Optical Center est la seule enseigne mixte à avoir déployé massivement l’audioprothèse dans ses magasins. C’est donc un concurrent sérieux pour les enseignes spécialisées dans l’audition. Elle bénéficie d’une grande avance sur ces dernières en termes d’implantation et de visibilité.

Référence :
1
. Huit plates-formes de services disposent de réseaux de soins conventionnés : Egaréseaux/Audistya (3 700 audioprothésistes en 2016), Carte Blanche Partenaires (3 300), Kalivia (3 100), Terciane (1 750), Actil (1 600), Sévéane (1 100), Itélis (950) et Santéclair (750). Source : Les Échos Études.

 

Cet article est à retrouver en exclusivité dans le numéro 220 d’Audio infos France.

L’intégralité de l’étude est disponible à la vente sur le site Internet Les Échos Études : https://www.lesechos-etudes.fr/etude/marche-distribution-optique-audioprothese/

Par Hélène Charrondière, Directrice du Pôle Pharmacie-Santé des Échos Études (Source : Les Échos Études, Les marchés et la distribution
de l’optique et de l’audioprothèse, réalisée par Hélène Decourteix, consultante).