PORTRAIT - Arnaud Coez, président de la Société française d’Audiologie

Portrait

"ARNAUD COEZ, une passion pour l’audiologie au service de la SFA."

Homme chaleureux tout autant que discret, Arnaud Coez parcourt la vie avec intensité et détermination. Son moteur, c’est sa passion pour la science ; presque une philosophie. Cette soif de connaissances, il la met au service de sa pratique clinique quotidienne. Car c’est bien là, la finalité qu’il poursuit, avec une exigence d’excellence dans la prise en charge de ses patients.

Publié le 20 mars 2017

PORTRAIT – Arnaud Coez, président de la Société française d’Audiologie

Très respectueux de ses prédécesseurs et mentors, qui ont nourri son appétence intellectuelle et son amour du métier, il aime à rappeler leur importance dans l’histoire de l’audioprothèse. Et si l’homme se définit comme « monothématique », entièrement dévoué à l’audiologie, il a su tisser tout du long de sa carrière, des ponts entre de multiples disciplines. Un esprit ouvert, qu’il met aujourd’hui avec beaucoup de « respect » et « d’honneur » au service de la Société française d’Audiologie, pour un mandat de deux ans.

Un parcours forgé par des rencontres déterminantes

Force est de constater qu’Arnaud Coez sert l’objectif de pluridisciplinarité que poursuit sans relâche la SFA ! En effet, la trajectoire estudiantine et professionnelle d’Arnaud Coez est à l’image de la société savante : au carrefour d’un certain nombre de domaines ; que ce soit l’ORL, l’audioprothèse, l’orthophonie, les sciences et notamment la génétique, sans oublier les technologies.
Arnaud Coez entame ses études à l’université René Descartes (Paris V), où il suit un cursus en pharmacie. C’est à cette époque qu’il rencontre des personnalités marquantes de son parcours et qui façonnent son approche et son engagement professionnel, sa rigueur aussi, et lui apprennent à ne jamais s’arrêter à ses connaissances acquises. Il se souvient avec admiration du professeur Restoux, à la fois enseignant en sémiologie, pharmacien et médecin de l’équipe de France de basket-ball, un sport qu’il a d’ailleurs longtemps pratiqué.
Alors qu’il obtient son diplôme de pharmacien en 1992, il suit dans le même temps, le cursus d’audioprothèse, dont il sort diplômé en 1994. C’est pour lui une époque décisive.
Ses premiers stages en pharmacie et notamment chez Monsieur Koen à Eaubonne (95) qui exerce également l’audioprothèse – à l’image de l’un des pères fondateurs du métier, Jacques Dehaussy – lui insufflent la passion du métier. Mais c’est sa rencontre avec Éric Bizaguet dont il suit les cours à la faculté, qui achève de le convaincre d’embrasser la carrière d’audioprothésiste. Arnaud Coez exerce d’abord à mi-temps en officine et en laboratoire. Mais l’audioprothèse se révèle aussi prenante que passionnante et il décide en 1999 de s’y consacrer pleinement.
C’est alors tout naturellement vers Éric Bizaguet qu’il se tourne, lui qui l’encourageait tant dans cette voie et l’a formé au métier. Depuis, il met ses connaissances et les résultats de ses recherches en imagerie fonctionnelle cérébrale, au service de la surdité, du patient et de la mission première du laboratoire Bizaguet, qui demeure le dépistage et l’appareillage précoce, aux côtés de celui qui, le premier, à pressenti qu’il fallait parler de « cerveau » avant de parler d’oreille.

Un fort tropisme scientifique

Arnaud Coez pour qui le fondement de son métier réside dans l’exercice clinique s’en inspire justement pour mener des projets de recherche, qu’il met in fine au service des malentendants. Afin d’acquérir les connaissances adéquates pour assouvir cette soif de connaissances académiques, il passe d’abord un Master en imagerie fonctionnelle au Kremlin-Bicêtre (Paris XI) et poursuit sur une thèse qu’il travaille au service hospitalier Frédéric Joliot à Orsay. Il la soutient en 2009 sur le thème de l’Évaluation des dispositifs médicaux correcteurs de la surdité par tomographie à émission de positons.
De ce passage au centre d’imagerie moléculaire et fonctionnelle – où il travaille toujours une journée par semaine – il rencontre de nombreux chercheurs, le Pr Monica Zilbovicius en particulier, qui a mis en évidence des régions du cerveau qui présentaient un dysfonctionnement subtil, proportionnel aux signes cliniques de l’autisme, « par un très beau travail en imagerie ». « Une découverte qui s’est révélée par ailleurs essentielle pour les parents qui comprenaient mieux les causes du handicap de leur enfant », souligne-t-il. Un point commun avec la surdité, où l’apport de la recherche en génétique a été déterminant et a permis de mieux comprendre les « dysfonctionnements » observés.
On perçoit en ce sens un profond respect chez lui pour le Pr Christine Petit, avec qui il a eu le plaisir de travailler ; pour cette chercheuse de l’Institut Pasteur, Professeure au Collège de France, « toujours hors des sentiers battus, libre », et qui, il y a vingt ans, par l’étude d’isolats géographiques a mis en évidence les gènes de la surdité.
Concomitamment, le développement des connaissances et des technologies a permis l’émergence d’une stratégie thérapeutique – l’implant cochléaire – qui a profondément modifié le pronostic médical et social de l’enfant sourd. Pour Arnaud Coez, les implants cochléaires, qu’il règle une demi-journée par semaine à l’Hôpital Necker-Enfants malades, ont facilité l’accès au langage oral aux enfants sourds, mais ont aussi allégé la souffrance des parents, qui sont trop souvent désemparés face à la surdité.
Très attaché aux échanges pluridisciplinaires, il considère son activité à l’hôpital complémentaire, notamment quand les limites de l’appareillage conventionnel sont atteintes. Pour autant, il concède que l’implant ne résout pas tout. En particulier dans le cas de pathologies associées à la surdité et qui peuvent limiter le développement du langage chez l’enfant et où la langue des signes, le geste, peuvent venir compléter très utilement l’implant. Pour Arnaud Coez, « La » surdité n’existe pas ; il y a des surdités et il faut prendre en compte les possibilités de chacun de même que toutes les armes thérapeutiques disponibles.
L’homme a ainsi mené plusieurs projets de recherche en imagerie fonctionnelle cérébrale visant à évaluer l’efficacité de l’appareillage auditif, mais également de l’implantation cochléaire bilatérale dans la correction du handicap auditif et de la surdité. Des recherches en audiologie dont il retire toujours une grande satisfaction.
Le moment magique, il le concède volontiers, c’est quand une unité se crée, quand des éléments disparates finissent par faire sens avec des éléments parfois très anciens. Mais sa source première d’inspiration, ce qui alimente sa réflexion reste ses patients, le fait de les écouter, d’essayer de leur apporter des réponses, de remporter des succès, de dépasser des échecs aussi.
Ses recherches, il met alors un point d’honneur à les transposer dans sa pratique, à les transmettre surtout. Cela passe en particulier par l’édition des Cahiers de l’Audition, qui participe à la divulgation et à la diffusion de la connaissance clinique et scientifique et dont il dirige la publication depuis l’année 2004.

Un important désir de transmission

À 49 ans, Arnaud Coez participe pleinement à la vie du Collège national d’audioprothèse, dont il est le 1er vice-président et travaille à l’organisation de l’enseignement post-universitaire (EPU). Enseignant au Cnam de Paris, il tente sans relâche d’insuffler sa passion pour l’audioprothèse et les travaux scientifiques aux professionnels en devenir. Lui qui s’enthousiasme de voir le niveau des étudiants augmenter, se dit fier de voir des jeunes qui ont « appris à apprendre ». Et d’autant plus quand il voit ceux qui pourraient déjà exercer, poursuivre jusqu’en thèse, s’approprier la recherche académique, la dépasser et construire un peu ce que sera le métier demain. Une dynamique qui n’aurait pas été possible sans l’intercession du Pr Jean-Luc Puel et la création du Master de Montpellier et que le système LMD va renforcer. Ce qu’Arnaud Coez aime à transmettre à la jeunesse aussi, c’est l’esprit pionnier de cette profession, son histoire, au travers de ses figures tutélaires et qui ont pour la plupart laissé leur nom à des tests : le Dr Lucien Moatti, Paul Veit et Geneviève Bizaguet, Jacques Dehaussy, etc.
Pour Arnaud Coez, ces personnalités ont tracé une voie en démontrant qu’il était possible, à partir d’une appropriation des sciences et des techniques, de développer toute une profession. Et de souligner la force de ce métier, né en pharmacie et qui a grandi sur le terreau d’hommes et de femmes d’horizons différents, et tous habités de cet esprit pionnier. Un esprit qu’Arnaud Coez retrouve dans la jeunesse de 2017, et qui lui procure de grandes espérances pour l’avenir de la profession.

La présidence de la SFA, un nouveau défi

Développer l’audiologie au sens large en tant que science en France et essayer de diffuser une information la plus complète possible et qui permette une prise en charge pluridisciplinaire, c’est le défi qui attend Arnaud Coez en tant que nouveau président de la SFA. Pour ce faire, il peut compter sur le concours des quatre collèges qui constituent le cœur de la société savante (ORL, audioprothésistes, orthophonistes et scientifiques) et qui réalisent une veille scientifique et technologique, qui permettra demain d’exercer l’audiologie différemment, car la connaissance du vivant et l’évolution des technologies modifient grandement la prise en charge du patient. En ce sens, c’est sur une découverte majeure qu’Arnaud Coez a souhaité « angler » le congrès de la SFA qui se tiendra les 29 et 30 septembre 2017 à la Cité universitaire de Paris. Cette édition fêtera en effet l’anniversaire des 20 ans de la découverte du premier gène de la surdité par l’équipe de Christine Petit, 20 ans de dépistage génétique aussi et 17 ans de diagnostics préimplantatoires, mais pas seulement. Le programme se penchera aussi sur les éléments qui permettent de montrer que la stimulation auditive a un impact très fort sur le développement cérébral et l’organisation des cartes corticales chez l’enfant et justifient le dépistage précoce. Le congrès reviendra d’ailleurs sur le bilan de ces cinq années de dépistage, les implications que cela a dans la prise en charge des neuropathies, des surdités unilatérales, des surdités légères et sur les stratégies thérapeutiques face à ces éléments diagnostiqués beaucoup plus tôt aujourd’hui.
Arnaud Coez a tenu à laisser une place importante aux industriels aussi, qui ont leurs propres pôles de recherche et de développement et qui participent grâce au développement fulgurant des technologies à apporter des solutions aux patients que personne ne pouvait espérer il y a quelques années. Conscient du fait que pour que toutes ces avancées technologiques et scientifiques aboutissent il faut aussi un temps politique, il a confié la présidence d’honneur du congrès au professeur et Conseiller d’État, Lionel Collet. Si Arnaud Coez n’aime pas revêtir le costume de « politique », il ne peut cependant s’empêcher de tisser des parallèles entre les mesures réglementaires difficiles qu’a connues la pharmacie il y a quelques années avec les marges dégressives lissées et la situation de l’audioprothèse aujourd’hui. Pour autant, et c’est le message empreint d’un fort engagement qu’il renouvellera aux audioprothésistes de demain lors de la SFA : « Cette profession s’est hissée sur des épaules de géants. Il faut qu’ils continuent d’y croire. L’histoire n’est pas terminée. Ces pages blanches qu’il leur faut remplir ne pourront être rédigées sans l’apport des sciences, de la génétique notamment, pour que, toujours habitée de son esprit pionnier et dans un cadre pluridisciplinaire, l’audioprothèse serve avec toujours plus de discernement le besoin de prise en charge des malentendants et réponde aux enjeux de santé publique inhérents à cette profession. »

Par Guillaume Bureau