Les préoccupations américaines discutées en Europe

OTC PSAP

Le 27 mai dernier, l’Association européenne des professionnels de l’audition (AEA) a organisé un mini symposium, sur les thématiques qui agitent le monde de l’audiologie outre-Atlantique : la vente libre des aides auditives et les assistants d’écoute. Retour sur ce symposium avec ses intervenants.

Les préoccupations américaines discutées en Europe

Que vous évoque “OTC”, “PSAP” ? Aux États-Unis, ces deux acronymes sont sur toutes les lèvres. Et pour cause : le premier — over the counter — signifie « en vente libre », ce que pourraient bien devenir certaines aides auditives pour des pertes légères à modérées, avant la fin de l’année ; le second — personal sound amplifier products — désigne les assistants d’écoute, qui sont de plus en plus répandus aux États-Unis. Évidemment, ces deux tendances ne font pas l’unanimité outre-Atlantique et commencent à inquiéter les instances du Vieux Continent, où les assistants d’écoute ont déjà fait leur entrée. C’est ainsi que l’Association européenne des professionnels de l’audition (AEA) a organisé un « mini symposium » sur ces thématiques le 27 mai à Bruxelles, auquel elle a invité l’Association européenne des fabricants d’appareils auditifs (Ehima) et la Fédération européenne des personnes malentendantes (EFHOH). L’objectif : faire le point sur l’OTC et les PSAP, études à l’appui.

Des assistants d’écoute dangereux

Les Américains sont en fait à la recherche de nouveaux modèles afin que plus de malentendants s’appareillent. Le problème, c’est que les chiffres avancés pour justifier ces modèles ne sont pas bons, relève Mark Laureyns, président de l’AEA. « Quand on lit l’argumentation sur les raisons pour lesquelles de nouvelles initiatives sont nécessaires aux États-Unis pour offrir un meilleur accès à l’appareillage, l’un des problèmes fréquemment évoqués réside dans le fait que seulement 15 % des malentendants américains adultes sont appareillés. Or, tout cela dépend de la définition de “perte auditive”, de la façon dont l’utilisation de l’aide auditive est évaluée et de la nouveauté de l’information. Ce chiffre de 15 % repose sur des informations vieilles de 10 ans et se révèle être totalement non conformes à la réalité d’aujourd’hui. » À la place, Mark Laureyns avance les chiffres de l’étude MarkeTrak VIII, réalisée en 2015, qui évalue le taux de personnes déclarant avoir une perte auditive, et il extrapole ce chiffre, sur les bases de ce qu’il se passe en Europe, pour obtenir le nombre de personnes diagnostiquées malentendantes qui s’appareillent : 60 % selon ces calculs (en Europe, ce chiffre s’élève à 58 % selon EuroTrak). Un chiffre bien moins alarmant.

Autre sujet d’actualité : les assistants d’écoute. « À la demande de la Fédération européenne des personnes malentendantes (EFHOH), le groupe de travail Technologie et audiologie de l’Association européenne des professionnels de l’audition (AEA) a analysé 27 de ces assistants d’écoute vendus en Europe en 2015. Tous ont dépassé un niveau de volume maximum de 120 dB SPL, 89 % ont dépassé 125 dB SPL et 30 % 130 dB SPL. Ce sont des résultats choquants que nous avons présentés au Parlement européen, à l’Organisation mondiale de la Santé, à l’Union internationale de la communication (UIT), et lors d’un atelier public de la Food and drug Administration (FDA). Même La Consumer Technology Association (CTA) a pris ces constatations très au sérieux et, lors du même atelier de la FDA, Mead Killion, de la CTA, a présenté une proposition pour une norme sur les assistants d’écoute en utilisant le rapport conjoint AEA/ EFHOH comme référence. » Tout simplement, l’AEA et la EFHOH demandent que les conditions d’utilisation des assistants d’écoute soient calquées sur celles des écouteurs de musique, à savoir une limitation à 40 heures par semaine à 80 dB(A), et à 5 heures par semaine à 84 dB(A). Maintenant que la vente d’assistants d’écoute est autorisée, autant qu’elle ne mette pas la santé auditive des utilisateurs en danger !

Concernant la vente libre des aides auditives, le débat fait actuellement rage aux États-Unis et le dénouement pourrait bien être imminent (voir encadré). En Europe, c’est une disposition qui serait contraire à la législation en vigueur : s’agissant de dispositifs médicaux, les aides auditives ne peuvent être délivrées que par un professionnel qualifié. Aux États-Unis, une classe spéciale d’aides auditives serait créée, afin de réhabiliter les pertes auditives légères à modérées uniquement.

Parler d’une seule voix

Aussi, l’inquiétude de l’AEA demeure toute relative. En effet, selon l’association, si les États-Unis font aujourd’hui face à ces problématiques, c’est que « les organisations professionnelles y sont divisées et ne sont pas d’accord sur la façon de gérer la vente libre et les assistantes d’écoute, ce qui signifie que les professionnels de l’audition aux États-Unis ne peuvent pas parler d’une seule voix ». Ainsi, du côté des professionnels de santé, l’American Acacdemy of Audiology est favorable à l’OTC sous certaines conditions, tout comme l’American Speech- Language-Hearing Association, l’Academy of Doctors of Audiology y est favorable, l’International Hearing Society y est opposée. De leur côté, les associations de consommateurs et de malentendants sont favorables à cette évolution. Enfin, du côté des fabricants, la Hearing Industries Association (HIA) y est favorable à condition, notamment, que ces aides auditives ne soient autorisées que pour les pertes légères (et non légères à modérées). Une situation qui contraste avec la cohésion européenne : « Heureusement en Europe, les associations professionnelles, de malentendants et de fabricants coopèrent de façon très constructive et unissent leurs forces en matière d’organisation des soins auditifs, se réjouissent l’Ehima, l’AEA et la EFHOH. Cela ne doit pas être sous-estimé. Les organisations européennes de malentendants, qui forment l’EFHOH, ont été la force motrice pour s’assurer que les soins auditifs soient pris au sérieux par les décideurs, ce qui rend ces soins abordables dans le cadre des systèmes de santé universels. »

« Over the counter », la chronologie

  • Août 2009 : Création du groupe de travail à l’Institut national sur la surdité et autres troubles de la communication (NIDCD) sur l’accessibilité des aides auditives.
  • 23 octobre 2015 : Le Conseil Présidentiel sur la Science et de la Technologie (PCAST) adresse une lettre au président Obama, recommandant, entre autres, le modèle OTC.
  • 21 avril 2016 : un workshop de la Food and Drug Administration (FDA) traite de l’accessibilité des aides auditives.
  • 2 juin 2016 : L’Académie des sciences américaine (NAS) publie un rapport intitulé « Hearing Health Care for Adults: Priorities for Improving Access and Affordability », contenant 12 recommandations, dont la fin de la prescription médicale obligatoire et la création d’une catégorie « over-the-counter » pour les pertes auditives légères à modérées.
  • 7 décembre 2016 : la Food and Drug Administration annonce que les ordonnances ne sont plus nécessaires pour obtenir des aides auditives et émet le souhait de créer une catégorie d’appareils « over-the-counter ».
  • 20 mars : Quatre sénateurs font une proposition de loi sur l’OTC : Over the Counter Hearing Aid Act of 2017 ou OTC bill.
  • 12 mai : l’OTC bill est annexé à une importante loi sur les dispositifs médicaux (Medical Device User Fee Amendments – MDUFA) dont le vote au Sénat est programmé au 16 octobre au plus tard.

BS