Polémique autour du renouvellement du réseau de Carte Blanche

Ocam

Le renouvellement du réseau d’audioprothésistes référencés auprès de Carte Blanche Partenaires crée la polémique au sein de la profession. Dans un communiqué de presse rendu public le 7 mars, l’Unsaf y dénonce « un cahier des charges mettant à mal l’exercice professionnel des audioprothésistes ». Le 8 mars, c’était au tour de Carte Blanche de prendre la parole, afin de répondre aux attaques portées contre entre autres, les règles du conventionnement à ce réseau.

Polémique autour du renouvellement du réseau de Carte Blanche

 
Nous vous proposons ci-après de lire les communiqués de presse respectifs de l’Unsaf et de Carte Blanche Partenaires.

 
"Convention Carte blanche : l’Unsaf dénonce un cahier des charges mettant à mal l’exercice professionnel des audioprothésistes"

 
La plateforme de référencement Carte blanche Partenaires a lancé un appel à conventionnement pour renouveler son réseau d’audioprothésistes. L’Unsaf estime que le cahier des charges, proposé de gré à gré aux professionnels, non concerté avec les représentants de la profession, comporte de nombreuses clauses sensibles et discutables. Au-delà de surcharges administratives et d’un surcoût de fonctionnement, celles-ci remettent en cause les principes mêmes du métier d’audioprothésiste sans pour autant apporter une quelconque amélioration dans l’accès aux soins pour les déficients auditifs.

Par conséquent, bien que chaque audioprothésiste demeure souverain dans son choix, l’Unsaf considère que cet appel à conventionnement conduit à une mise sous tutelle des professionnels de santé, alors que le reste à charge ne sera en rien diminué pour les patients.
L’Unsaf a pris connaissance avec attention du cahier des charges présenté par Carte Blanche partenaires dans le cadre de son appel à conventionnement lancé du 13 février au 13 mars 2017.

En premier lieu, l’Unsaf souligne le délai très court de ce conventionnement et, d’une façon plus générale, la tendance des plateformes à constituer des réseaux qui ne sont en fait « ouverts » que très ponctuellement, puis refermés pour des durées variables.
Ce délai d’un mois leur apparaît d’autant plus problématique que les discussions conduites en amont entre les professionnels de santé et la plateforme sont restées insuffisantes, si bien que le cahier des charges établi unilatéralement par la plateforme Carte blanche pose d’importants problèmes.
 
– 1. Définition de « spécialités » inexistantes dans la formation d’audioprothésiste
Par la création d’« expertises plus », Carte blanche prétend définir les professionnels compétents et expérimentés en appareillage auditif pédiatrique ou en réglage d’implants cochléaires par le simple examen de déclarations sur l’honneur des candidats. Or, d’une part il n’existe pas de « spécialistes » officiellement reconnus par les pouvoirs publics, d’autre part le parcours de soins de ces populations est particulièrement délicat, et le résultat d’échanges continus avec les ORL, les Centres d'Action Médico-Sociale Précoce (CAMSP) et les équipes hospitalières d’implantation.
En voulant s’immiscer dans les relations de confiance entre ces différents professionnels, qui constituent de véritables « parcours de soins », Carte Blanche prend le risque important de désorienter des patients particulièrement sensibles pour trouver un « expert », si le référent du secteur n’a pas signé leur convention.
Rappelons au passage que les Implants cochléaires ne sont réglés qu’en milieu hospitalier, que la centaine d’audioprothésistes qui procède à ces réglages n’a pas besoin d’être sur un annuaire privé pour être identifiée par les patients. Rappelons également que la prise en charge des implants cochléaires est à 100 % le fait de l’assurance maladie, qui est aussi majoritaire dans le remboursement des appareillages pédiatriques. Par conséquent Carte blanche n’est pas légitime à y contractualiser.
 
– 2. Fichage des rendez-vous des patients par internet
Carte Blanche demande aux professionnels de rendre compte, mensuellement et par internet, de tous leurs rendez-vous avec les patients assurés par ses complémentaires partenaires. Quelle est la finalité de ce fichier qui permet à Carte Blanche de connaître les déplacements et consultations de ces assurés ? Y aurait-il ensuite un rappel à l’ordre pour ceux d’entre eux qui ne retournent pas voir leur audioprothésiste ? Au-delà du problème de confidentialité pour les patients et de la finalité de ces données, doit-on aussi adresser à Carte Blanche la facture du temps passé à ces tâches administratives ?
 
– 3. Différences tarifaires en fonction du lieu d’exercice
Alors que chaque plateforme crée son propre tarif, induisant des différences de prix et de choix de modèles en fonction de la complémentaire du patient, Carte blanche va encore plus loin en modulant les tarifs en fonction du lieu d’exercice, de ses horaires d’ouvertures ou de la présentation d’accessoires…
Ainsi le même professionnel, avec le même service et les mêmes méthodes de travail, pourrait facturer des prix différents selon son lieu d’exercice pour des appareils identiques !
 
– 4. Proposition systématique d’un appareillage d’entrée de gamme
Le syndicat s’étonne d’une disposition du cahier des charges exigeant du professionnel de santé qu’il propose systématiquement un appareil d’entrée de gamme, « quels que soient les besoins du patient ». Il rappelle qu’en application du Code de la santé publique, c’est aux audioprothésistes seuls qu’appartient de conseiller le patient dans le choix d’un appareil, ce qu’ils font au vu justement des besoins de ce dernier, et que l’Autorité de la concurrence a elle-même souligné en 2016 qu’il n’est « pas sûr que les appareils auditifs [d’entrée de gamme] (…) permettent de satisfaire tous les besoins des patients »1.
 
L’Unsaf ne transigera pas sur la place centrale donnée par les audioprothésistes à la satisfaction des besoins du patient et à la qualité de son appareillage, ce qui permet à la France d’avoir les taux de satisfaction et d’observance les plus élevés d’Europe, respectivement 84 % et 90 %.
De plus, un cahier des charges réaliste ne peut ignorer la structure actuelle du marché, rappelée par l’Autorité de la concurrence2 qui soulignait que le prix d’une audioprothèse qui « s’étend en moyenne aujourd’hui de 900 € par oreille pour l’entrée de gamme à 2000 € pour le haut de gamme » est en moyenne de 1500 € « toutes gammes confondues », un prix dont l’Autorité a constaté qu’il est « comparable au prix relevé dans les autres pays de l’Union européenne, et même inférieur pour les produits haut de gamme ».
Ces données ont été confirmées par l’Assurance maladie dans sa publication de décembre dernier3, où il apparaît que, pour les plus de 20 ans, 95 % des appareils ont un prix supérieur à 900 €.
 
5. Ingérence entrainant de très nombreuses obligations onéreuses sans contrepartie
Pour les audioprothésistes :
– obligation de passer à une norme avant 2018
– obligation de calibrer son matériel tous les deux ans par une société extérieure
– obligation d'une garantie panne de 4 ans
– obligation de prêt d’un appareil pour les réparations > 48 h
– obligation d'indiquer la disponibilité des pièces détachées (que les fournisseurs ne renseignent pas)
– obligation de tiers payant pour 90 % de l’activité
– obligation de s'équiper en matériel pour le tiers payant en cas d’évolution technique ou informatique
– obligation de mise en place d'un questionnaire satisfaction pour l'ensemble des patients
– obligation de rendre une synthèse du questionnaire de satisfaction
– obligation de faire un compte-rendu de notre suivi (nombre et durée des rendez-vous, etc.)
– obligation d'accepter les clients mystères et les contrôles et/ou audits
– obligation de fournir les bons de livraison, factures et autres pièces administratives
– obligation de « promouvoir » la plateforme (vitrophanie et explications aux patients)
– …

Retenons qu’en face de cette liste à la Prévert d’obligations pour les professionnels, il n’y a aucune revalorisation des remboursements de la part des complémentaires adhérant à Carte blanche. Bien que chaque audioprothésiste demeure souverain dans son choix, l’Unsaf considère que cet appel à conventionnement conduit à une mise sous tutelle des professionnels de santé, alors que le reste à charge ne sera en rien diminué pour les patients.
 
 

"Carte Blanche Partenaires s’interroge sur la position paradoxale de l’Unsaf quant au respect de la profession d’audioprothésiste et la valorisation de la qualité de service."

 
Carte Blanche Partenaires profite des accusations portées par l’Unsaf contre les principes directeurs de son réseau d’audioprothésistes, et tout particulièrement les règles du conventionnement à ce réseau, pour rappeler que son positionnement exige la recherche d’un cercle vertueux répondant aussi bien aux attentes des citoyens bénéficiaires qu’à celles des complémentaires et des professionnels de santé. La réaction de l’Unsaf, qui dénonce les procédures mises en place par Carte Blanche pour valoriser la qualité des soins et des prestations, pourtant définies en concertation avec les représentants du secteur, est en parfaite contradiction avec sa propre mission qui consiste à défendre les droits et les intérêts de la profession.
 
La singularité de Carte Blanche Partenaires est double :
– d’un côté, de par son positionnement en tant que réseau fondamentalement OUVERT, centré sur des accords qualité/prix, et respectant le travail des professionnels de santé notamment d’un point de vue économique
– de l’autre, de par sa logique de fonctionnement basée sur la coopération et le partenariat avec les professionnels de santé, source du sérieux de l’offre et garantie d’une prestation de qualité pour nos bénéficiaires.
 
La prise de position de l’Unsaf est une nouvelle attaque contre l’ensemble des réseaux, et plus encore contre les assureurs complémentaires santé. Au nom de l’indépendance des audioprothésistes, faudrait-il que les quelque 250 millions versés par les complémentaires le soit sans aucune garantie ? Un scénario d’autant plus insensé qu’il va à l’encontre du juste combat de cette profession au regard des besoins de santé publique : accroitre le niveau de remboursement des audioprothèses.
Est-il nécessaire de rappeler qu’un tel objectif n’est atteignable qu’en étroite collaboration avec les financeurs, et que seule une volonté partagée d’équiper correctement et durablement les bénéficiaires déterminera son efficience.
Le contenu du communiqué de presse diffusé le 7 mars par l’Unsaf est injurieux vis-à-vis du travail mené en concertation avec la profession. La construction du réseau se veut vertueuse, prenant en compte à la fois les besoins des bénéficiaires et la nécessité de ne pas s’immiscer dans la profession de l’audioprothésiste. La priorité ayant été donnée à la recherche de la qualité, tant du point de vue de la promesse de service que de la valorisation de l’expertise.
Bien qu’à ce stade, nous mettions cela sur le compte d’un emportement accidentel, nous souhaitons rétablir la vérité par quelques faits.
 
– 1. Dans une société où l’accès instantané à l’information fait partie du quotidien de tout un chacun, et en tant qu’apporteur de services d’accompagnement santé, notre rôle est de mettre à disposition de nos 7 millions de bénéficiaires les coordonnées des audioprothésistes qui ont une pratique expérimentée auprès des enfants et/ou des implants cochléaires. Là où l’Unsaf voit la désignation illégale par Carte Blanche Partenaires de spécialités qui n’en sont pas, et une immixtion dans une filière, en y pointant le risque de désorientation, notre référencement permet au contraire d’apporter simplement et immédiatement une information qualifiée et peu accessible jusqu’alors.
 
– 2. De toutes les séances de travail avec les audioprothésistes et les ORL, il en ressort que le succès d’un appareillage repose sur l’accompagnement et le suivi du patient sur de nombreuses années. Ainsi, dans une démarche de garantie qualité, notre rôle est de s’assurer de la pleine délivrance de la prestation et de vérifier par conséquent la conformité des engagements de suivi pour les bénéficiaires de Carte Blanche.
 
– 3. L’assertion de l’Unsaf quant à la modulation des tarifs en fonction du lieu d’exercice est fausse. La seule valorisation tarifaire est fonction de l’investissement dans la qualité de service, un critère de valorisation recommandé et partagé par les représentants des professionnels lors de nos concertations. Alors que nos tarifs sont déjà largement reconnus comme cohérents au regard du marché, comme en témoigne le nombre important de demandes de conventionnement, la majoration tarifaire que nous accorderons à certains souligne concrètement notre souhait de promouvoir la qualité des pratiques et de distinguer par exemple un simple corner d’un laboratoire exclusif avec un audioprothésiste à plein temps.
 
– 4. En proposant systématiquement un appareillage d’entrée de gamme en alternative à une autre offre, l’audioprothésiste exerce pleinement son rôle de conseil et le patient garde quant à lui sa liberté d’acheter ce qu’il veut et/ou ce qu’il peut. Il s’agit de donner des repères qualité/prix aux bénéficiaires dont le montant du reste à charge moyen reste conséquent (1000 € par oreille). C’est aussi un moyen pour le professionnel d’expliquer sa prescription en s’appuyant sur un comparatif et en justifiant ainsi les écarts fonctionnels et tarifaires.
 
-5. Enfin, notre conventionnement est fondé sur des obligations réciproques. Aux garanties de qualité pour les audioprothésistes répondent des engagements de gestion et de paiements de Carte Blanche Partenaires. Nous constatons avec surprise l’opposition de l’Unsaf à accepter les contrôles, notamment sur site, contrôles uniquement prévus pour les audioprothésistes bénéficiant de la majoration tarifaire. Aurions-nous à nous inquiéter de la réalité des pratiques ?
 
L’engagement partenarial et la concertation avec les professionnels de santé font partie de notre identité. Promouvoir la voie d’un meilleur accès aux audioprothèses par un meilleur remboursement (quel que soit le régime) ne laisse pas de place au corporatisme draconien et appelle une approche moderne, négociée et fondée sur des intentions réciproques, honnêtes et factuelles.
 

Références :
1 – Autorité de la concurrence, Quelles pistes pour améliorer la concurrence dans le secteur des audioprothèses en France ? – Juillet 2016, § 74.
2 – Autorité de la concurrence, op. cit.
3 – CNAMTS, « Le marché de l’audioprothèse en 2015 » Point de Repères n°47, décembre 2016.

La Rédaction