En Commission de l’Assemblée nationale, Bruno Lasserre pointe les prix trop élevés des audioprothèses

Autorité de la concurrence


Alors que l’Autorité de la concurrence passe actuellement au crible l’ensemble du secteur de l’audioprothèse dans le cadre d’une vaste enquête dont les résultats pourraient être connus en décembre 2016, Bruno Lasserre, président de l’institution depuis 2009, a été auditionné mardi 21 juin en soirée par la Commission des Affaires économiques de l’Assemblée nationale. Au cours de son intervention, il a abordé de nombreux sujets — grande distribution, télécommunications et Internet, profession de notaire, presse quotidienne régionale, télévision payante, etc. —, mais également le secteur de l’audioprothèse, un sujet qu’il a abordé spontanément. (À 46’36 sur le site de l'Assemblée nationale ou à 12'55 dans l'extrait ci-dessous.)

En Commission de l’Assemblée nationale, Bruno Lasserre pointe les prix trop élevés des audioprothèses

 
Une prise de parole qui intervient à quelques semaines (mi-juillet) de la consultation publique sur ce dossier et qui laisse entrevoir les tendances d’appréciation que porte l’Autorité de la concurrence sur le secteur de l’audioprothèse.
 
Bruno Lasserre explique : « Nous avons lancé deux enquêtes sectorielles cette année. Depuis la Loi de modernisation de l’Économie (LME) votée en 2008, nous pouvons nous saisir de notre propre initiative pour scruter le fonctionnement concurrentiel de marché, pour regarder comment fonctionne la concurrence.(…) L’Autorité fait des préconisations aux entreprises, mais aussi au Gouvernement pour lever ces obstacles de manière à favoriser plus de concurrence, plus de croissance, plus d’emploi, lever les obstacles à la compétitivité de notre pays secteur par secteur. Chaque année, nous choisissons des sujets, explique Bruno Lasserre.

Pour 2016, le premier sujet choisi concerne les audioprothèses : cela peut paraître un sujet anodin ou anecdotique. Cela ne l’est pas du tout. »

Et Bruno Lasserre de mettre en avant : « De plus en plus de Français doivent s’équiper d’appareils auditifs. Ils sont très mal remboursés par la Sécurité sociale, donc cela est pris en charge par les complémentaires santé, mais souvent avec un reste à charge très important pour les patients et les prix sont parmi les plus élevés en Europe. Le prix moyen, si je ne me trompe pas, est de 1 100 ou 1 200 euros par oreille corrigée, ce qui est quand même très très élevé et beaucoup de Français ne s’équipent pas tout simplement parce que c’est trop cher.

Quand on regarde d’ailleurs le taux de personnes appareillées en France, on estime qu’il devrait y en avoir en théorie environ 4,5 millions, mais seulement un tiers sont équipées (1,5 million), soit un taux d’équipement de 32 % contre des taux plus élevés dans d’autres pays européens comme le Royaume-Uni où ce chiffre est de 41 %. »

(NDLR : cf. Ètude réalisée par Luis Godinho, président du Syndicat national des audioprothésistes (Unsaf) sur les différents systèmes de prise en charge en Europe : Quel est le modèle de prise en charge le plus efficient en Europe ? & Étude de Jean de Kervasdoué et Laurence Hartmann, économistes de la santé traitant de la thématique : « Impact économique du déficit auditif en France et dans les pays développés – Revue de la littérature scientifique 2005-2015 »).

Qu’est-ce que nous allons regarder ? Nous allons ausculter toute la chaîne de formation des prix pour voir quelle est la cause de ces prix élevés. Est-ce qu’elle est liée à la concentration de la fabrication ? C’est un marché dans lequel 80 % du marché mondial est partagé entre quatre acteurs.

On va regarder les circuits de distribution qui montrent aussi une certaine dépendance à l’égard des fabricants. Est-ce que cela ne crée pas un obstacle à l’arrivée de nouveaux fabricants ?

Quelles explications peuvent être données aussi à la marge très importante réalisée par les audioprothésistes ? C’est la Cour des comptes qui relève un rapport de 1 à 3,5 entre le prix d’achat de l’audioprothèse et le prix de la pose par l’audioprothésiste. Ces marges sont-elles justifiées ? Pourquoi, quelle justification au numerus clausus qui existe sur la profession des audioprothésistes ?

Quel est le rôle des réseaux de soins sélectionnés par les complémentaires santé ? Peuvent-ils jouer un rôle de prescription qui peut créer un contre-pouvoir à ces prix élevés ?

Nous allons dans les prochains jours lancer une consultation publique à partir d’un constat préliminaire et de questions avant de rendre publics les résultats de notre enquête avant la fin de l’année. (…) », a-t-il conclu sur ce dossier.

Pour rappel l’Autorité de la concurrence avait annoncé mercredi 10 février que l’Institution se “saisit pour avis”, afin d’analyser la situation de la concurrence dans le secteur de la distribution des audioprothèses et émettre les propositions qui lui sembleront nécessaires pour améliorer son fonctionnement.

GB