L’unsaf émet des propositions pour l’avenir de l’audioprothèse

Grande conférence de la santé

La Grande conférence de la santé se tiendra jeudi 11 février au Conseil économique, social et environnemental (CESE) à Paris.

L’unsaf émet des propositions pour l’avenir de l’audioprothèse

Initiée par Manuel Valls, Premier ministre, en lien avec Marisol Touraine, ministre des Affaires sociales, de la Santé et des Droits des femmes, et Thierry Mandon, secrétaire d’État chargé de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, la Grande conférence de la santé vise à apporter des réponses aux interrogations des professionnels de santé quant à l’évolution de leurs métiers, leurs opportunités de carrière et leur place dans la société. Ayant nécessité six mois de travail de préparation entre juin 2015 et janvier 2016, cette conférence dont l’organisation a été confiée à Anne-Marie Brocas et au professeur Lionel Collet donnera lieu à l'élaboration d’une feuille de route pour le Gouvernement – à court et moyen terme – sur la formation et l’exercice professionnel.

Dans un communiqué de presse rendu public le 8 février, le Syndicat national des audioprothésistes (Unsaf) émet une série de propositions sous la forme d’une « contribution à la Grande conférence de la santé » pour le secteur de l’audioprothèse.

Ces propositions s’articulent autour de cinq axes de réflexion : la formation continue, la formation initiale – pour laquelle l’Unsaf estime qu’un passage à cinq ans d’études doit être envisagé de façon urgente -, la démographie ORL et les nouvelles problématiques audioprothétiques, parmi lesquelles citons les délégations de tâches, mais également la reconnaissance des diplômes européens et les quotas à l’entrée de la formation d’audioprothésiste.
 

Nous reproduisons ci-après la contribution du Syndicat national des audioprothésistes à la Grande conférence de la santé :

Formation continue

 
En premier lieu, rappelons que la profession a, depuis sa création, organisé sa formation continue, dans un premier temps autour des Assises nationales d’Audioprothèse, puis depuis 1979, lors des journées de formation du Congrès de l’Unsaf qui se font partiellement sous l’égide du Collège National d’Audioprothèse (CNA). Pour renforcer cette formation, le Collège National d'Audioprothèse a créé en 1996 son enseignement post-universitaire (EPU) qui se déroule chaque année en décembre sur deux journées et qui permet à notre profession de suivre le rythme rapide des progrès en audioprothèse et en audiologie. Il est le principal relais pour l’amélioration des pratiques professionnelles de la profession et est massivement suivi. À titre d'exemple, le dernier EPU a eu lieu en décembre 2014 et a été suivi par 950 audioprothésistes sur un effectif national d'environ 3 000 professionnels (NDLR : le communiqué de presse a été rédigé en novembre 2015).
 
L’impact de cet EPU est poursuivi également dans les Cahiers de l’audition, publication de formation continue envoyée gratuitement par le Collège National d’Audioprothèse à tous les audioprothésistes en exercice, ainsi qu’à l’ensemble des formateurs, directeurs d’enseignement et étudiants en audioprothèse. Elle reprend dans ses numéros les différentes conférences traitées et est un objet permanent de formation aux nouvelles techniques.
 
Cette formation continue est, de l'avis de tous, la raison pour laquelle les enquêtes internationales montrent que la satisfaction des malentendants est maximale dans notre pays ; cf. les résultats 2015 de l'enquête internationale EuroTrak, dévoilés lors du 37e Congrès des Audioprothésistes, qui s'est déroulé à Paris début avril 20151.
 

Formation initiale

 
Il nous semble également impératif de tenir compte, dès à présent, de la démographie des médecins ORLpuisque, selon l’Atlas national de la démographie médicale 2015 du Conseil National de l'Ordre des Médecins, actuellement 30,4 % des ORL en exercice ont plus de 60 ans et 66,7 % ont plus de 50 ans2. Déjà aujourd’hui les délais d'attente de rendez-vous en ORL augmentent (29 jours en moyenne en 2011, 36 jours en 2014)3 et des difficultés d’accès aux médecins ORL sont constatées dans certaines régions (Champagne-Ardenne, Limousin, Auvergne, etc.).
Dans un contexte de vieillissement et d’accroissement de la population nécessitant des appareils auditifs (75 % de la dépense en audioprothèse est le fait des plus de 65 ans4, classe d’âge dont les effectifs vont évoluer de 10,44 millions de personnes en 2010 à 15,82 millions en 2030, selon le scénario central de l’Insee5), cette baisse de la démographie ORL provoquera, si elle n’est pas anticipée, un important « effet ciseaux ».
 
Le 28 mars, lors du Forum organisé par le Syndicat national des médecins spécialisés en ORL et CCF (SNORL), nous avons abordé avec le corps ORL la question du renouvellement des appareils auditifs chez l’adulte. En effet, dans certains pays européens, l’Allemagne notamment, le renouvellement des appareils est possible périodiquement sans prescription médicale. La prescription ORL, indispensable pour prendre en charge les surdités relevant d’un traitement médical ou chirurgical, n’y est obligatoire que pour l'appareillage initial.
 
De plus, l'évolution générale des connaissances scientifiques et de la technologie, les études récentes démontrant que l’utilisation d’appareils auditifs évite le sur-déclin cognitif constaté chez les malentendants âgés6, rendent indispensable une extension des programmes d'enseignement. Il doit être envisagé que la formation initiale des audioprothésistes soit portée de 3 à 5 ans afin d’atteindre le grade Master, dans le cadre d’une intégration universitaire. Nous demandons donc une réouverture urgente des travaux de réingénierie de la profession d’audioprothésiste. Elle n'a pas de conséquences budgétaires notables puisque l'ensemble des audioprothésistes exerce en libéral.
 

Quelques thèmes à intégrer dans la formation initiale des audioprothésistes

 
1 – La forte baisse de la démographie ORL doit faire réfléchir à certaines délégations concernant le renouvellement prothétique et l’audiométrie clinique : formation sur l’audiométrie objective permettant une délégation de tâches pour le dépistage de la surdité et sa prise en charge, le repérage des troubles de l’audition (aspect légal, pourquoi et comment pratiquer, conduite à tenir), etc.
2 – L’intégration des technologies implantées dans l’activité de l’audioprothésiste : les limites des appareils auditifs et l’indication des prothèses implantées. Comment accompagner le patient vers cette solution ? Les différents modèles d’implants, leurs indications, leurs réglages, la connectivité, les accessoires, la complémentarité appareil auditif / implant.
3 – Prise en charge des acouphéniques : en 1967, la formation initiale ne faisait pas rentrer la prise en charge des acouphéniques dans les textes régissant notre profession, car cette pathologie n’était pas traitée. Il s’avère que la majorité des acouphéniques sont aujourd’hui utilisateurs d’une technique exclusivement du ressort de l’audioprothésiste, ce qui devrait conduire à une remise à niveau de la formation initiale.
4 – Intégration des audioprothésistes dans le cadre pluridisciplinaire des équipes et structures prenant en charge les personnes âgées, formation des aidants, délégation de tâches, etc.
5 – Prévention sur les risques de traumatismes sonores : risques et dommages physiologiques engendrés par le bruit, métrologie et mesures du bruit, moyens de prévention, protections individuelles, etc.
6 – Pratique basée sur les preuves : initiation à la recherche et à lecture d’études cliniques, articulation de l’action thérapeutique individuelle en rapport avec les données cliniques établies, etc.
7 – Prise en compte des pathologies liées au vieillissement cognitif et aux maladies neurodégénératives dans lesquelles l’audition est fortement impliquée.
 

Reconnaissance des diplômes européens

 
Le Décret du 26 mars 2010 instituant la régionalisation de cette procédure a entrainé des dysfonctionnements aboutissant à des décisions contestables de reconnaissance de certains diplômes étrangers.
Nous avions, lors de la consultation sur le projet de décret, alerté les pouvoirs publics sur les difficultés posées par cette régionalisation, au vu de la faible démographie de notre profession et du faible nombre de demandes d’équivalence, rendant nécessaire une centralisation des commissions d’examen des diplômes européens.
Nous ne pouvons compter en effet que sur quelques audioprothésistes disposant des connaissances suffisantes sur les formations, réglementations et compétences en vigueur dans les États de l’Union européenne, qui leur permettent de siéger efficacement dans ces commissions.
 
Le Haut conseil des professions paramédicales (HCPP) avait d’ailleurs adopté à l’unanimité, lors de la séance du 10 mars 2010, une motion dans les termes suivants :
– compte tenu de la nécessité pour les professionnels de bien connaître les programmes de formation dispensés dans les écoles au sein de l’Union européenne se rapportant à la profession considérée, ces derniers ne sont pas tenus de résider dans la région pour être désignés membres de la commission régionale ;
– lors de la désignation des professionnels concernés au titre de chaque commission régionale, le préfet de région compétent sollicitera des propositions auprès des organisations professionnelles représentées au sein du Haut conseil des professions paramédicales.
 
Par ailleurs, on assiste à la création de formations privées en deux ans, notamment en Espagne, spécifiquement destinées aux étudiants français qui n’ont pas été reçus aux concours des sept écoles françaises.
Lors de leur retour en France, les directions régionales de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale (DRJSCS) leur imposent des stages complémentaires, afin d’égaler nos trois ans de formation (incluant 36 semaines de stage dans un laboratoire d'audioprothèse dont l'audioprothésiste responsable possède l'agrément de maître de stage).
Il est indispensable que les stages imposés à ces titulaires de diplômes étrangers par les DRJSCS se déroulent également dans les mêmes laboratoires d'audioprothèse dont l'audioprothésiste responsable possède l'agrément de maître de stage et dont la liste est établie par le conseil de l'unité de formation et de recherche (UFR), comme le prévoit l’article D.636-8 du Code de l'éducation.      
 

Quotas à l’entrée de la formation d’audioprothésiste

 
L’arrêté du 15 juillet 20157 a fixé à 199, le nombre d'étudiants à admettre en première année, au titre de l'année 2015-2016. Les données de la DREES8 montrent que, entre 2000 et 2010, le nombre de professionnels a augmenté de 100 par an en moyenne. Entre 2011 et 2014, l’augmentation a été de 156 par an en moyenne. Le nombre fixé à 199 étudiants en 2015 apparaît donc comme proportionné aux besoins attendus ces prochaines années.
 
 

Notes et références :

1 – cf. Pages 29 à 33 du document « Résultats France de l'enquête EuroTrak 2015 »
2- cf. page 308 : http://www.conseil-national.medecin.fr/sites/default/files/atlas_national_de_la_demographie_medicale_2015.pdf
3 – Observatoire jalma / IFOP 2014 sur l’accès aux soins, 18.11.2014
4- Note de l’Unsaf «Des malentendants en grande majorité âgés».
5 – Insee : http://www.insee.fr/fr/themes/document.asp?ref_id=projpop0550&page=irweb/projpop0550/synt/cad/cadrage.htm
6 – Communiqué SNORL-Unsaf :« L’utilisation d’appareils auditifs évite le sur-déclin cognitif constaté chez les malentendants âgés».
7 – Publié au Journal officiel du 19 août 2015 : http://www.legifrance.gouv.fr/eli/arrete/2015/7/15/MENS1516817A/jo/texte
8 – cf.Note de l’Unsaf : « Démographie professionnelle : évolution du nombre d’audioprothésistes de 2000 à 2014».

 
 

La Rédaction