L’Autorité de la concurrence lance une vaste enquête sur le secteur de l’audioprothèse

Enquête


Sur son site Internet, l'Autorité de la concurrence annonce mercredi 10 février que l’Institution se « saisit pour avis », afin d'analyser la situation de la concurrence dans le secteur de la distribution des audioprothèses et émettre les propositions qui lui sembleront nécessaires pour améliorer son fonctionnement.

L’Autorité de la concurrence lance une vaste enquête sur le secteur de l’audioprothèse

L’institution explique : Constatant le sous-équipement des Français en audioprothèses et les prix élevés des appareillages, l'Autorité de la concurrence a décidé de se saisir pour avis, de sa propre initiative, pour évaluer la situation de la concurrence dans le secteur et identifier les éventuels obstacles à une baisse des prix.

Pour mener cette instruction, l'Autorité interrogera l'ensemble des parties prenantes (fabricants, intermédiaires, distributeurs, prescripteurs, consommateurs). Une consultation publique sur des orientations préliminaires devrait être organisée autour de l'été. L'avis que l'Autorité rendra en décembre devrait conduire à poser un diagnostic du secteur accompagné des recommandations qui lui sembleront utiles pour pallier les éventuels dysfonctionnements constatés et ainsi améliorer le fonctionnement de la concurrence sur le marché.

Un secteur porté par la démographie sur lequel les prix restent élevés
Plusieurs millions de Français sont atteints d'une déficience auditive. Pourtant sur les 4,4 millions de personnes appareillables, seul 1,5 million est équipé d'audioprothèses soit un taux d'équipement de 32 % contre 41 % au Royaume-Uni. Parmi les causes invoquées pour expliquer ce sous-équipement, le prix des appareils est régulièrement avancé1. Le coût d'une audioprothèse s'élève en effet en moyenne à 1 550 euros par oreille soit 3 100 euros pour un équipement des deux oreilles comme c'est généralement le cas. Ce prix comprend l'achat et le suivi du patient durant les 5 années qui suivent. Ce montant peut constituer un frein à l'achat d'autant que les remboursements de l'Assurance maladie et des complémentaires santé demeurent faibles en France, le reste à charge s'élevant à 1 100 euros par oreille en moyenne.

L'Autorité s'intéressera notamment aux problématiques suivantes :

La concurrence entre fabricants est-elle satisfaisante ?

À la suite d'une vague de fusions-acquisitions réalisées dans les années 90, le marché présente la particularité d'être très concentré. Sur les six fabricants mondiaux, quatre se répartissent plus de 80 % du marché mondial.

–          Un marché concentré étant de nature à réduire l'intensité de la concurrence, l'Autorité analysera la part que prennent les fabricants dans la formation du prix des audioprothèses ainsi que les améliorations qui pourraient être apportées au fonctionnement de ce marché amont. L'Autorité s'assurera notamment que la concurrence puisse jouer sur d'autres paramètres que le prix comme la différenciation technologique des appareils.
 
–          L'Autorité étudiera également les risques de dépendance économique des distributeurs d'audioprothèses à l'égard des fabricants liés à ces opérations de concentration et analysera les barrières à l'accès aux appareils qui pourraient en résulter pour les audioprothésistes indépendants.

La marge des audioprothésistes est-elle justifiée ?

Si les marges des fabricants ou des centrales d'achat, qui servent d'intermédiaires entre les fabricants et les distributeurs, paraissent de prime abord et sous réserve de vérifications, modérées, celles des audioprothésistes sont en revanche beaucoup plus élevées. Un rapport de la Cour de comptes indiquait que ces derniers appliquaient un coefficient multiplicateur de 3 à 3,5 sur le prix d'achat des audioprothèses. Dès lors, la marge brute moyenne réalisée par les audioprothésistes varie entre 650 euros pour une prothèse en entrée de gamme et 1 250 euros pour une prothèse haut de gamme (soit une marge brute d'environ 70 à 75 %).

–          L'Autorité étudiera si une telle rentabilité est justifiée économiquement, notamment au regard du service fourni pour le suivi des patients.
 
–          Par ailleurs, le reste à charge étant élevé pour les patients, l'Autorité étudiera les pistes susceptibles de le faire baisser notamment celle relative au découplage entre l'achat et la fourniture des prestations de suivi introduit récemment par la loi.

Le numerus clausus est-il pertinent ?

Les audioprothésistes bénéficient d'un monopole sur l'appareillage. Aujourd'hui, 3 065 audioprothésistes se partagent le marché français. En 2015, un numerus clausus de 199 étudiants a été instauré alors qu'il semble que le secteur connaisse une pénurie de professionnels eu égard aux besoins de la population. Cette pénurie se traduirait mécaniquement par des salaires élevés qui se répercuteraient sur le prix des appareils.

–          L'Autorité analysera l'impact de ce numerus clausus sur la concurrence et le niveau de prix des appareils.

L'information du consommateur est-elle suffisante ?

L'audioprothésiste détient seul, par ses qualifications techniques, les informations lui permettant de satisfaire aux besoins du patient. L'ordonnance médicale nécessaire pour être équipé ne mentionnant jamais le type d'appareil à poser, les distributeurs peuvent être tentés d'orienter le consommateur vers un appareillage haut de gamme.

–          L'Autorité étudiera quelles mesures pourraient être prises pour améliorer l'information du consommateur et réduire l'asymétrie d'information avec le professionnel.

Comment encourager la concurrence entre les différents types de réseaux d'audioprothésistes ?

Aujourd'hui, les réseaux de distribution mutualistes dynamisent le fonctionnement du marché. Ils obtiennent en effet des réductions d'environ 15 % sur le prix des aides auditives grâce à l'adoption d'une stratégie de volume, une centralisation des achats et moins de frais de publicité.

–          L'Autorité s'assurera qu'il n'existe aucune barrière injustifiée au développement des réseaux les plus dynamiques en termes de concurrence. Elle veillera à ce que toutes les conditions soient réunies pour garantir au consommateur l'obtention du meilleur rapport qualité-prix par le consommateur.

1– Consulter les rapports de la Cour des comptes 2013, de l'IGAS en avril 2013 et de l'UFC-Que choisir en septembre 2015.

GB