Ce que contient le texte de la nouvelle convention avec l’Assurance-maladie, en attente de signature

Audio Infos a pu se procurer en avant-première le texte de la nouvelle convention entre l’Assurance-maladie, qui est finalisé mais en attente de la signature du ministre de la Santé. Ce texte va donner un cadre national à l’exercice du métier d’audioprothésiste. Au menu : affichage des prix et des diplômes des audioprothésistes ; pas d’exercice dans plus de trois centres auditifs ; publicité « loyale et objective », qui ne doit pas inciter à consommer des dispositifs médicaux ; création d’une commission paritaire nationale et de commissions régionales pouvant prononcer ses sanctions allant jusqu’au déconventionnement…

Publié le 29 mars 2022

Ce que contient le texte de la nouvelle convention avec l’Assurance-maladie, en attente de signature

C’était le scoop du 42e congrès du SDA : l’annonce de la signature imminente de la nouvelle convention par les autorités de santé. La profession n’avait pas signé de convention depuis… 1992. Et encore, à l’époque, il s’agissait de conventions régionales. Qu’est-ce qui va changer ? La convention contractualise les engagements des différentes parties : les syndicats professionnels, SDA, SYNEA et SYNAM d’un côté ; le ministère de la Santé et la Sécurité sociale de l’autre. Chaque centre auditif doit adhérer à la convention nationale.

 

L’itinérance reste illégale

« Deux articles sont particulièrement importants, portant sur l’exercice en dehors des centres et sur la publicité », a souligné Marc Greco président du SYNAM lors de la première table ronde du congrès du SDA. En effet, l’article 14, intitulé « Modalités particulières de délivrance », s’intéresse, dans son deuxième alinéa, à l’activité itinérante : celle-ci reste illégale au regard de l’article L 4361-6 du Code de la santé publique. Il faudra mesurer dans le temps les effets de cet article : les audioprothésistes mobiles seront-ils sanctionnés ?

 

Consultations à distance

Le troisième alinéa de cet article évoque les « consultations de suivi à distance » (ou télé-audiologie). Ces pratiques sont « obligatoirement réalisées par un audioprothésiste », « par l’intermédiaire d’une technologie permettant la prise en main par le professionnel ». « La télé-audiologie peut faciliter les rendez-vous et les échanges en zone rurale », a commenté Marc Greco. Toutefois ces consultations « ne peuvent se substituer aux consultations de suivi prévues dans la nomenclature, qui doivent avoir lieu « en présentiel » et ne peuvent être facturées », dit la convention.

 

Patients en Ehpad

Sans apporter de solution précise, les signataires s’engagent, dans l’article 14, à soutenir « toute expérimentation initiée par les pouvoirs publics afin de favoriser l’appareillage auditif des personnes âgées dépendantes, notamment la mise en place d’un parcours spécifique pouvant comporter un exercice professionnel en partie extérieur à l’établissement de l’entreprise de l’audioprothèse, à condition que la qualité de la prise en charge soit préservée ».

 

Pub : pas d’incitation à la consommation de dispositifs médicaux

L’article 15 de la convention relatif à la communication et à la publicité est sans doute le plus attendu. La publicité se doit d’être « loyale et objective dans sa présentation comme dans son contenu ». « L’entreprise en audioprothèse s’abstient de toute incitation à une consommation excessive de dispositifs médicaux, tant directement qu’indirectement, notamment en assortissant la prise en charge des malentendants de conditions susceptibles de conduire à une consommation abusive de dispositifs médicaux ». Les signataires affichent « leur attachement au respect d’une parfaite éthique (…) et notamment à la plus rigoureuse loyauté des procédés commerciaux au sens de l’article L 121-1 du Code de la consommation »
Nouvelle instance créée par la convention, la commission paritaire nationale (lire l’encadré ci-dessous) se réserve le droit d’étudier les évolutions de cet article 15 qui pourraient s’avérer nécessaires.

 

Prudence dans les relations avec les ORL

L’article 15 évoque aussi les relations avec le corps médical : « L’audioprothésiste s’interdit toute sollicitation directe ou indirecte de prescriptions médicales ». Est notamment exclu « tout procédé consistant à apporter aux prescripteurs potentiels des contreparties et avantages de quelque nature que ce soit (financement, prêt de matériels, mise à disposition gratuite de personnel…), des supports de prescription « pré-remplis… ». Il s’agit de dire stop aux douteuses relations privilégiées entre centres auditifs et médecins ORL.

 

Compétences et parcours professionnel de l’équipe

Autre disposition qui satisfera ceux qui se méfient des formations réalisées avec des écoles espagnoles : le paragraphe 2 de cet article 15. Lequel stipule que, quand le centre auditif se prévaut « d’aptitudes professionnelles ou de capacités techniques de l’audioprothésiste », il doit « être en mesure de les justifier » : publication du CV, informations sur le titre et les diplômes, ainsi que sur le titre et le diplôme dans la langue d’origine ayant permis d’obtenir une autorisation d’exercice en France… Dans tous les cas, le diplôme de chaque audioprothésiste doit être affiché dans la salle d’attente. La convention invite aussi à mentionner « les langues parlées ou comprises, en particulier la langue des signes ».

 

Exercice dans trois centres au maximum

Quid de la présence d’audioprothésiste sur le lieu d’exercice ? « L’entreprise en audioprothèse veille à employer un nombre d’audioprothésistes requis pour exercer l’appareillage », mentionne l’article 16 de la convention. Mais le centre « peut être ouvert au public en l’absence d’audioprothésiste pour la réalisation de tâches administratives ou de services annexes ». Toutefois, la convention limite les « cumuls d’exercice » – si l’on peut dire – dans différents centres : « Un audioprothésiste ne peut pas exercer le même mois dans plus de trois établissements ». Des dérogations sont possibles : un audioprothésiste peut être affecté dans quatre établissements pour remplacer un collègue absent, ou « afin d’assurer un service de proximité dans des territoires à faible densité démographique ».

 

Affichage des prix

L’article 18 consacré aux « bonnes pratiques de dispensation » stipule que le centre auditif doit afficher de manière visible et intelligible « le prix des aides auditives qu’il délivre », « afin d’éclairer le choix des assurés ». Petite révolution en perspective ?

 

Des sanctions possibles par les commissions paritaires régionales

Les nouvelles commissions paritaires régionales ont vocation à examiner les conditions d’application de la convention.
« Avant toute décision susceptible d’être prise à l’égard d’une entreprise en audioprothèse défaillante », la commission de la région concernée se réunit pour émettre un avis » (article 52). Les manquements peuvent concerner le respect de la nomenclature de la LPP, de la délivrance et de la facturation des aides auditives, de leurs accessoires ou des consommables nécessaires, de dématérialisation des feuilles de soins et des ordonnances, etc. En cas de suspicion de manquement, une procédure d’examen préalable est mise en œuvre, en plusieurs étapes. Elle peut aboutir, dans les cas les plus sérieux, à une sanction de l’entreprise en imposant un déconventionnement avec sursis, ou un déconventionnement ferme pour une durée maximale de cinq ans.

 

Le rôle de la commission paritaire nationale

Quant à la commission paritaire nationale (article 49), elle étudie toute question soulevée par l’application de la convention au niveau régional comme au niveau national, et émet un avis en cas de déconventionnement ferme de plus de 15 jours demandé par une commission régionale ainsi qu’en cas de sanction de déconventionnement assortie d’un sursis supérieur à trois mois.

 

Nathalie Da Cruz