[26 mars 2020] Reportage : le quotidien d'un audioprothésiste à l'heure du confinement

Pratiquer en période de Covid-19

L’un des cinq centres auditifs de Philippe Metzger reste actuellement ouvert dans le 20e arrondissement de Paris. Il centralise tous les patients des autres centres. Entre éloignement physique et travail sans protection, il reçoit et dépanne ses patients en attendant des masques. Dans son quotidien, l'audioprothésiste indépendant a mis en place une routine qui suit les consignes données à la profession par l’Unsaf (Syndicat national des audioprothésistes). 

Publié le 26 mars 2020

[26 mars 2020] Reportage : le quotidien d’un audioprothésiste à l’heure du confinement

 

Le téléphone n’arrête pas de sonner dans le centre auditif Audition Conseil du 340 rue des Pyrénées, dans le 20e arrondissement de Paris. Philippe Metzger, le seul audioprothésiste qui reste encore dans les murs sur ses cinq centres, répond : “Votre appareil n’est pas assez fort ? Ce n’est pas une urgence, si ça peut attendre la fin du confinement, c’est bien” explique-t-il à son interlocutrice. “Nous ne gérons que les piles et les dépannages” parvient-il à nous glisser entre deux coups de fil. Les patients ont tous le même réflexe en cas de problème, ils prennent leur facture et appelle le numéro qui se trouve dessus. Alors le centre reçoit uniquement les appels de ses patients habituels.

 

Des déplacements chez les personnes âgées

Nouvelle sonnerie de téléphone : “Ce sont vos piles qui ne rechargent plus ? Quel âge avez vous ?” demande-t-il cette fois-ci. “85 ans” répond la personne au bout du fil. “Vous ne sortez pas de chez vous bien sûr !” rappelle l’audioprothésiste, qui lui demande si elle a quelqu’un qui peut se déplacer pour elle. Non. Il lui propose alors de venir en convenant d’une stratégie. Il l’appellera quand il arrivera en bas de chez elle, puis il montera. Elle aura déposé les appareils devant la porte puis l’aura refermé. Il lui changera alors les batteries défaillantes, puis redéposera l’appareil devant la porte, accompagné de la facture. Il reculera pour que la patiente puisse ouvrir sa porte, prendre les appareils et déposer un chèque. Et refermera la porte pour qu’il puisse s’approcher à nouveau. La patiente est d’accord.

Philippe Metzger se déplace exceptionnellement quand une personne âgées de plus de 80 ans, qui doit rester totalement confinée, n’a pas un voisin ou de la famille pour venir, car “les envois par la poste de piles ne fonctionnent pas, ce serait trop long” explique-t-il. “Je leur dépose sur le paillasson, je suis un peu comme un livreur de pizza”.

 

Les essais payés par virement ou prolongé

Nouvel appel : “Vous avez un appareil à l’essai ? Je note que vous avez téléphoné et on repousse l’essai jusqu’en mai. Quel est votre nom ?” répond Philippe Metzger, en tapant le message en même temps sur son ordinateur pour rassurer la patiente. “L’appareil fonctionne bien ? “ demande-t-il. La cliente est satisfaite. “Soit je vous envoie un Rib pour que vous le regliez maintenant, soit nous attendons mai ?”. En mai, d’accord. 

 

Une absence de protection

Philippe Metzger n’a aucune protection, pas de masque et pas de gant, seulement du gel hydroalcoolique pour les patients et un point d’eau et du savon pour se laver les mains. Le manque de stock de masques a poussé le gouvernement à les attribuer uniquement aux soignants au contact direct des malades, et les audioprothésistes n’étaient pas sur la liste. Alors, il assure le service en gardant ses distances. “On sait que si on est à plus d’1,5 m, il n’y a pas de risque” explique-t-il. “Ceux qui peuvent venir, nous les faisons rentrer un par un” poursuit l’audioprothésiste, qui avoue ne jamais encore avoir eu à gérer deux patients qui se seraient présentés en même temps. “Pour les montants inférieurs à 30 euros, nous privilégions les règlements en sans contact, ce qui évite d’avoir à toucher le terminal. Si le montant est supérieur, je demande à la personne de se passer les mains au gel après avoir tapé le code. Et moi, je me lave les mains après chaque patient.” détaille Philippe Metzger. En revanche, il ne reçoit personne en cabine, un espace trop confiné pour y séjourner avec un éventuel contaminé qui s’ignore, sans masque.

La solitude de l’audioprothésiste

Tous les appareillages ont été remis au mois de mai. La facturation et les fins d’essais sont géré par télétransmission ou remis à plus tard.

En fermant ses cinq autres centres, Philippe Metzger a mis le reste du personnel au chômage, pour des raisons économiques, mais aussi parce que certains sont sous traitement et considérés comme à risque. Seule une collaboratrice continue de prendre les appels téléphoniques depuis son domicile. Si l’audioprothésiste garde le sourir et de l’enthousiasme, la situation n’est pas facile. “Le quotidien est moins amusant. D’habitude, nous sommes quatre, je me sens seul” avoue-t-il. “Heureusement, les patients sont très reconnaissants de notre ouverture et de notre écoute, alors cela reste valorisant malgré tout”.

 

Des difficultés économiques si cela dure

“Nous pouvons tenir deux mois comme ça, mais il ne faut pas que cela dure plus longtemps”. Les délais de paiement accordés par l’Etat, est-ce qu’il compte y avoir recours ? “Nous n’avons pas de problème de trésorerie, alors nous n’en avons pas besoin, nous laissons cela aux autres entreprises plus en difficulté.”

Lorsque les masques et les gants arriveront dans quelques jours, Philippe Metzger prévoit de réouvrir d’autres centres.  “Mais encore faut-il qu’il y ait de la demande !” s’inquiète-t-il.

Si une forme de routine s’est mise en place, la vie du centre s’adapte malgré tout au jour le jour. 

Corinne Couté
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